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l’écart, et cachent leur pensée comme le riche cache son or. Avec cette assemblée nationale de Berlin, il est impossible de gouverner ; sans elle, serait-ce possible ? A Berlin, il n’y a plus ni sécurité ni liberté en face des clubs démagogiques ; hors de Berlin, où et comment en trouverait-on davantage ? Mon ferme terrain à moi reste toujours l’Allemagne. Impossible de sauver l’Allemagne en dehors de la Prusse ; impossible de sauver la Prusse autrement qu’avec l’Allemagne et dans l’Allemagne ; mais comment ? Des deux côtés, à Berlin comme à Francfort, équivoques et défiances ; tout cela exploité par les démagogues et les ennemis politiques de la Prusse, qui n’a pas un seul véritable ami… Que ma douleur était profonde, lorsque, tournant mes regards vers le roi, je me rappelais la magnifique beauté de ses projets, de ses vues, de ses plans, et tant de pas en avant dans le droit chemin, et tant de magnanimité même dans l’erreur ! Je m’arrêtai enfin à ces idées, qui me rendirent le calme : un grand destin se prépare, un grand avenir s’ouvre pour l’Allemagne et par conséquent pour la Prusse ; il ne s’agit donc plus de penser à soi ni de rêver des jours de repos pour la fin de sa vie, il s’agit de travailler énergiquement et jusqu’à la mort pour la patrie. C’est de cela que le fis vœu lorsque le quittai Berlin, heureux de secouer la poussière de mes pieds. »


II

En éclairant à l’aide de documens nouveaux l’histoire de l’année 1848 chez nos voisins et le tableau des efforts qu’ils ont tentés pour constituer l’unité germanique, nous pouvons dire en toute sincérité que nous ne ressentons ni sympathie ni colère. Nous n’avons pas à prendre parti pour Frédéric-Guillaume IV ou pour M. de Bunsen ; tous les deux nous détestent et nous tiennent également en défiance. Il y avait deux Allemagnes visiblement distinctes dans la tempête de 1848, l’Allemagne monarchique et l’Allemagne démocratique ; toutes les deux nous haïssaient, et si les événemens faisaient éclater entre elles de violens désaccords, la haine commune qu’elles portaient à la France venait bientôt les réunir. Comment donc serait-il question ici d’une sympathie quelconque ? et pourquoi d’autre part éprouverions-nous des sentimens de colère ? La crise qui préoccupait l’Allemagne était tout intérieure. Personne n’a le droit d’empêcher une nation de s’organiser chez elle comme il lui plaît. Si cette organisation nouvelle menace l’équilibre de l’Europe, l’état qui se la permet en est bientôt puni par les défiances qu’il excite et les alliances qui se font contre lui. Le seul sentiment qui nous anime dans cette histoire rétrospective, c’est la