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attachait à l’achèvement de la cathédrale de Cologne. Malgré les railleries des libres penseurs, il était fier d’avoir mis la dernière main à ce magnifique édifice, dont la construction était abandonnée depuis des siècles. Il tenait à honneur, monarque protestant, d’inscrire son nom sur la clé de voûte du grand dôme catholique. La cathédrale de Cologne était pour lui comme le symbole de ce moyen-âge dont il voulait réaliser les conceptions dans l’état sans se séparer de son église propre et des traditions de la Prusse. Il lui parut que ce serait chose à la fois poétique et politique, originale et hardie, de célébrer en pleine tourmente révolutionnaire l’inauguration de cette cathédrale que les sceptiques l’avaient défié de mener à bonne fin. La première pierre du monument avait été posée le 14 août 1248 ; puisque l’œuvre, après six cents ans, est enfin accomplie, ne convient-il pas que l’inauguration, ait lieu au jour anniversaire ? Si on lut dit que les événemens s’y prêtent peu, il sourira doucement, persuadé au contraire que jamais l’occasion n’a été plus favorable. Ce sera une de ces fêtes symboliques où se complaît et s’exalte l’imagination du roi artiste. À cette architecture fidèlement reproduite d’après le plan des vieux maîtres répond dans sa pensée, une autre architecture d’un ordre tout idéal. L’édifice réel lui représente l’édifice qu’il rêve. Il fera donc inaugurer le 14 août 1848 la cathédrale commencée le 14 août 1248, et il ne négligera pas d’inviter à la fête l’élu du parlement de Francfort, l’archiduc Jean, vicaire de l’empire. Le symbole sera complet pour les initiés. Au prince autrichien qui n’a pas craint d’accepter des mains de la révolution la lieutenance de l’empire futur, le roi de Prusse rappellera par cette poétique image les fondemens ; de l’antique empire d’Allemagne, ébauchés seulement au XIIIe siècle, et que le XIXe siècle doit couronner.

La fête dura deux jours. Le 14, dans l’après-midi, le roi de Prusse, accompagné de l’archiduc Jean, se rendit au palais du gouvernement où étaient réunies toutes les autorités. Le roi reçut d’abord le nonce du pape, puis l’archevêque de Cologne, qui lui présenta les évêques venus pour la cérémonie. On introduisît ensuite les vingt-cinq délégués du parlement de, Francfort. Le roi s’entretint d’abord et très amicalement avec M. Henri de Gagern, président de l’assemblée nationale, puis, se tournant vers les autres, il leur adressa une allocution de laquelle se détachait cette phrase : « n’oubliez pas, messieurs, qu’il y a des princes en Allemagne, et que je suis un de ces princes. » L’accent qu’il mît à ces paroles en marquait suffisamment la portée. Le lendemain 15 eut lieu la cérémonie religieuse. La réception du roi au seuil de l’église par l’archevêque, assisté de huit évêques, offrit, dit M. de Bunsen, un