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prussienne, autrichienne, saxonne, etc., une seule armée, l’armée allemande, placée sous le commandement du vicaire de l’empire. Tous les souverains sont dépossédés du premier de leurs droits ; le parlement leur donne l’ordre de rende leur épée.

Cette prétention causa par toute l’Allemagne l’émotion la plus vive. C’est là un trait essentiel à noter. Si ardent que soit chez nos voisins le désir de l’unité, il y a d’autres sentimens qui n’ont pas moins de force ; chacun des états de l’Allemagne est attaché à ses souvenirs et jaloux de son honneur. Je parle surtout des grands états, de ceux qui ont une histoire, et qui, tout en sacrifiant bien des choses à la communauté de la grande patrie, ne consentiraient pas à se perdre dans une sorte de promiscuité. Toutes les fois que des politiques malhabiles, ignorans des choses de l’Allemagne, ont insisté chez nous sur les obstacles que le particularisme peut opposer à l’établissement définitif de l’unité germanique, les états dont il s’agit ont protesté par leurs actes contre ces paroles venues de France. On les a vus alors redoubler de zèle pour l’unité et se montrer prêts à toutes les concessions. Si pendant plusieurs siècles, par la diplomatie et par les armes, la France a empêché l’unité de l’Allemagne, on peut dire que depuis cinquante ans, par l’étourderie passionnée de quelques-uns de ses politiques, elle a refait et constitué cette unité menaçante. De grandes difficultés intérieures contrarieront toujours l’accomplissement d’une telle œuvre ; dès que la France parait tentée de mettre ces difficultés à profit, elles s’évanouissent. La meilleure politique à l’égard de l’Allemagne sera toujours de ne pas lui contester, même en paroles, le droit de s’organiser chez elle comme il lui plaît ; l’unité lui plaît moins quand la France en est moins occupée : c’est ce qu’on a vu très clairement en 1848. Qui donc, à la tribune de l’assemblée nationale, s’inquiétait en ce temps-là du parlement de Francfort ? Qui donc aurait averti l’Europe que, l’unité germanique étant un danger pour la France, la France ne la souffrirait pas ? Nous avions trop à faire chez nous pour commettre au dehors de pareilles maladresses. Aussi, débarrassée de cette surveillance française qui exaspère son orgueil national, l’Allemagne examina plus d’une fois sans passion les conséquences de l’unité à laquelle les représentans de Francfort travaillaient si ardemment. Le jour où le ministère du pouvoir central décida que les armées allemandes obéiraient désormais au vicaire de l’empire, la Bavière, la Saxe, le Wurtemberg, le Hanovre, la Prusse, en éprouvèrent autant de surprise que d’irritation. Dans chaque état, l’armée, le peuple, le roi, se sentirent également atteints. On devine surtout quelle fut l’indignation de la Prusse. L’armée jeta les hauts cris ; le roi, malgré ses sentimens