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15 mai au 15 novembre ne profitent pour ainsi dire point aux ruisseaux : la terre, desséchée par le soleil, les absorbe : aussi n’y a-t-il pas d’exemple d’inondation en été. La plus grande crue de la saison chaude depuis deux cents ans, celle de septembre 1860, est restée bien au-dessous du niveau où le fleuve devient dangereux.

Enfin ceci doit encore être pris en considération, c’est que deux ou trois jours de pluie sans interruption ne suffisent pas pour que le fleuve déborde dans la partie inférieure de son cours. C’est que les crues des affluens arrivent dans la Seine en temps successifs : d’abord le flot éphémère de l’Yonne, dont le régime est torrentiel puis quatre jours après le flot mieux soutenu de la Seine supérieure, dont l’allure est plus tranquille; mais, si une seconde crue de l’Yonne survient dans ce délai de quatre jours, elle s’ajoute aux précédentes et en accroît l’amplitude. La crue devient alors extraordinaire, et peut causer des malheurs.

Ce n’est pas tout de connaître les causes des inondations; à défaut d’un moyen de les empêcher, il faut au moins être capable de les prévoir assez à l’avance pour que les gens qui vivent sur l’eau ou près de l’eau aient le temps de se mettre à l’abri. Voici par quel procédé très simple M. Belgrand y arrive avec une exactitude suffisante. On sait par expérience que les eaux torrentielles du Morvan et de la Bourgogne passent sous les ponts de Paris au bout de trois jours et demi en moyenne, et que la crue à Paris est double de ce qu’elle est au pied des montagnes. Cette règle, qui n’a du reste rien d’absolu, donne une approximation suffisante dans la pratique. Cela étant, des observateurs postés à Clamecy sur l’Yonne, à Avallon sur le Cousin, à Aisy sur l’Armançon, à Chaumont et Saint-Dizier sur la Marne, à Vraincourt sur l’Aire et à Sainte-Menehould sur l’Aisne, télégraphient chaque jour le niveau du cours d’eau qu’ils surveillent. Ce n’est plus qu’une question de chiffres de connaître quel jour le flot arrivera sous les ponts de Paris, et quelle en sera l’amplitude. Il est digne de remarque que les rivières de la Brie et du Gâtinais n’entrent pas en compte dans ce calcul, non plus que la Haute-Seine, l’Aube et leurs nombreux affluens.

Depuis des siècles, le niveau du sol de Paris s’exhausse sans cesse, la rivière se borde de quais, les ponts se reconstruisent avec des arches d’une plus large ouverture, toutes conditions qui atténuent les inconvéniens des grandes crues de la Seine. Au surplus, ces phénomènes redoutables sont très rares. Autant que les observations indécises du temps passé permettent de s’en rendre compte, il n’est arrivé que neuf fois depuis 1549 que la Seine ait atteint ou dépassé une hauteur de 7 mètres à l’échelle du pont de la Tournelle, hauteur à laquelle les quartiers bas de la capitale commencent à être inondés. La crue du 27 février 1658, la plus haute dont