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méables. Ses crues sont lentes, modérées, et se soutiennent pendant plusieurs jours. Quand elles arrivent à Montereau, à la suite d’une période pluvieuse de courte durée, celles de l’Yonne, plus fougueuses, qui sont d’habitude de quatre jours en avance, ont eu déjà le temps de s’écouler.

En aval de Montereau, jusqu’à Charenton, il n’y a plus à noter que le Loing, l’Essonne et l’Yères, affluens envoyés par le Gâtinais et la Brie. On le sait, ceux-ci ne sont pas à craindre; ils fournissent peu d’eau, et leurs crues torrentielles arrivent toujours bien avant celles que fournit le haut du fleuve. Quant à la Marne, qui apporte à la Seine un énorme volume d’eau, son régime est mixte en quelque sorte entre le régime de l’Yonne et celui de la Seine. Elle sort des vallées liasiques du. plateau de Langres et traverse ensuite de vastes étendues de terrains perméables; le terrain crétacé inférieur, qui lui amène d’abondans affluens, contribue à lui donner une allure quelque peu torrentielle. Ce terrain lui apporte d’ailleurs des masses d’eaux troubles d’où vient cet aspect limoneux que chacun lui connaît.

A partir du confluent de la Marne, les crues du fleuve ont acquis, sinon toute leur amplitude, du moins leur forme définitive, car l’Oise, qui est le dernier affluent de grande importance, est un cours d’eau mixte dont les allures ressemblent tout à fait à celles de la Seine à Paris. Il y a bien encore en aval plusieurs petites rivières, l’Epte, l’Andelle, l’Eure; elles se développent sur de faibles parcours, elles traversent presque uniquement des terrains perméables. Il est permis de n’en pas tenir compte. Puisque c’est à Paris que les crues de la Seine prennent un caractère durable, c’est là qu’il convient de les étudier de plus près; c’est aussi là que, par des motifs faciles à comprendre, il est le plus intéressant de connaître les écarts dont elles sont capables.

La météorologie a révélé une coïncidence malheureuse. Le bassin dont nous nous occupons est soumis aux mêmes influences climatériques dans toute son étendue. Quand il pleut dans le Morvan, il pleut sur tout le cours du fleuve jusqu’à la mer, depuis les Ardennes jusqu’à la forêt d’Orléans[1]. Par conséquent le niveau de tous les cours d’eau, petits ou grands, s’élève et s’abaisse en même temps. Ce n’est pas une loi générale à tous les bassins. Dans celui du Rhône par exemple, dont la surface est, il est vrai, plus irrégulière, il arrive souvent que le temps est beau en certains points, tandis que la pluie tombe ailleurs. Une autre loi non moins remarquable est celle-ci : dans le bassin de la Seine, les crues sont produites par les pluies de la saison d’hiver. Les pluies tombées du

  1. Ceci n’est pas exact pour les pluies d’orage, qui sont souvent localisées, et qui n’ont d’ailleurs aucune influence sur les crues, comme on verra plus loin.