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occidentale. Les vents de l’Océan ne lui parviennent que privés de presque toute leur vapeur d’eau ; ceux de l’Asie l’ont perdue longtemps avant d arriver jusqu’à elle. De l’ouest à l’est, l’humidité en Russie va constamment en décroissant jusqu’à disparaître presque entièrement dans le centre de l’Asie. Plus le continent s’élargit, et plus il devient pauvre en pluie. À Kazan, il pleut déjà deux fois moins qu’à Paris : de là dans une vaste région de la Russie la séparation des deux principaux élémens de fécondité, l’humidité et la chaleur ; de là en partie ces steppes déboisées, arides, ces steppes a l’aspect anti-européen du sud-est de l’empire.

Pour toutes ces conditions physiques de structure, de climat, d’humidité, la Russie est en opposition complète, et pour ainsi dire en antagonisme avec l’Europe occidentale, l’Europe historique : pour toutes, elle est en relation étroite avec les contrées de l’Asie auxquelles elle adhère. Les différences avec nous deviennent des ressemblances avec elles. À consulter la nature, l’Europe proprement dite ne commence qu’au rétrécissement du continent entre la Baltique et la Mer-Noire : la Russie, qui lui sert de base, se rattache mieux à l’épais massif de l’Asie, dont elle n’est que le prolongement, et dont les limites des géographes la distinguent sans la séparer.

Au sud-est, il n’y a aucune frontière entre elle et l’Asie, et c’est parce qu’il n’y en a point que les géographes ont tour à tour été prendre le Don, le Volga, l’Iaïk ou Oural. Les steppes désertes du centre du vieux continent pénètrent en Russie par la large ouverture que l’Oural laisse entre la Caspienne et lui. Du cours inférieur du Don au lac Aral, toutes ces steppes basses des deux côtés du Volga et du fleuve Oural forment une région naturelle indivisible, ancienne mer desséchée, dont on peut encore en certains endroits reconnaître les côtes et dont les vastes lacs de la Caspienne et de l’Aral ne sont que les restes. Par un accident hydrographique qui sur la vocation et les destinées du peuple russe a eu une influence considérable, c’est dans une de ces mers fermées, décidément asiatiques, que, tournant le dos à l’Europe presqu’à partir de sa source se jette la grande artère de la Russie, le Volga.

Au nord des steppes de la Caspienne, du 52e degré de latitude aux régions inhabitables du pôle, une longue chaîne de montagnes la plus longue chaîne méridienne de l’ancien continent, semble de loin mettre une muraille entre la Russie et l’Asie. Les Russes l’appellent la ceinture de pierre, et le nom tatar d’Oural n’a point d autre sens ; mais en dépit de son nom elle ne marque un instant la fin de l’Asie que pour la laisser recommencer presque semblable sur son versant européen. Descendant lentement par terrasses du