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chétive sur les plateaux. Cependant ce pays se transforme par la culture en une contrée riche et prospère. L’étendue des terres en friche diminue chaque année, parce que, si pauvre que soit la récolte dans ce sol meuble et léger, le paysan laboure avec si peu de peine qu’il y trouve encore son profit, et, quand toute culture est impossible, des plantations de sapins et de marsaults couvrent la nudité de la terre. La Champagne crayeuse, région plate et découverte, fut toujours en temps de guerre le théâtre de grandes luttes, depuis Attila jusqu’à Napoléon, tandis que la Champagne humide échappait aux dévastations des armées.

Les terrains tertiaires commencent sur une ligne courbe passant par Laon, Reims, Épernay, Provins, et occupent à peu près tout le reste du bassin jusqu’à la mer. D’ailleurs, on en trouve déjà des traces en amont. Au milieu des plaines nues de la craie s’élèvent çà et là quelques mamelons que couronnent des bois taillis d’une belle venue, contraste singulier sur la teinte blanche uniforme qu’offrent à l’œil les plateaux de la Champagne. Ces bois poussent dans une argile sablonneuse ou dans un limon rouge mêlé de cailloux. Ce sont les vestiges, encore vivans en quelque sorte, d’un manteau de terrains plus modernes qui recouvrait la craie autrefois et que les torrens des temps antéhistoriques ont entraînés, nous donnant ainsi par un exemple la mesure des grands phénomènes que le mouvement des eaux accomplit jadis à la surface de notre planète. Non-seulement cette couche tertiaire a disparu presque partout en Champagne, — et rien ne peut nous indiquer quelle en fut l’épaisseur primitive, — mais encore la craie qui lui servait de base a été creusée au-dessous à la profondeur des vallées actuelles. Ainsi, sur le sommet culminant des collines qui bornent à Troyes la vallée de la Seine, on aperçoit dans le lointain un très petit bois venu sur un lambeau de terrain tertiaire; or ce sommet est à 160 mètres plus haut que le présent niveau du fleuve. Ce seul chiffre fait comprendre quel prodigieux travail d’érosion les eaux ont accompli avant la venue de l’homme sur la terre.

A vrai dire, les terrains tertiaires ne sont pas d’une composition uniforme. Tantôt ce sont des argiles mélangées de sable, parfois on y trouve le gypse ou pierre à plâtre; le plus souvent ils recèlent la meulière, pierre bien connue qui fournit des moellons à bâtir et des meules de moulin, ou encore le calcaire grossier, qui se prête par la taille aux plus belles constructions. L’apparence de ces plateaux tertiaires est donc fort variée. En première ligne se présente le massif de la Brie, vaste parallélogramme qui, de Reims à Corbeil, sur 4,000 à 5,000 kilomètres carrés, est presque absolument plat. Quoique cette disposition du terrain et la nature imperméable de l’argile qui le constitue fassent obstacle à l’écoulement des eaux,