Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 106.djvu/685

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
LA LEGENDE
DE PIERRE LE GRAND
DANS LES CHANTS POPULAIRES ET LES CONTES DE LA RUSSIE

I. Piésni sobrannyia P. V. Kiriéevskim, izdany Obchtchestvom Lioubiteleï Rossiiskoï Slovesnosti (Chants recueillis par P. V. Kirieevski et publiés par la Société des amis de la littérature russe), Moscou 1868-1870 ; notamment le huitième fascicule, œuvre de M. Bezsonof, intitulé Goçoudar tsar Petr Alexiévitch, Tsar biélyi Petr Pervyi, Peroyi Imperator po zemlié (le seigneur tsar, le tsar blanc Pierre Alexiévitch, premier empereur dans le pays). — II. E. V. Barsof, Petr Veikii v narodnykh predaniakh Siévernago kraïa (Pierre le Grand dans les traditions populaires du pays septentrional), Moscou 1872.

A peu près vers le temps où l’auteur de Charles XII, à la prière de l’impératrice Elisabeth et avec les matériaux fournis par ses ministres, entreprenait d’écrire une histoire de Pierre le Grand la plus exacte, « la plus courte et la plus pleine possible, » d’autres à leur manière célébraient les faits et gestes du fameux empereur. Ces historiens de Pierre le Grand étaient répandus partout, d’un bout à l’autre de l’empire russe. Le rude bourlak des chantiers d’Arkhangel, le campagnard du « pays septentrional, » qui se vante de n’avoir jamais connu le servage, le mougik des provinces du centre enchaîné à la glèbe, le libre cosaque qui « sur la mère Volga » s’en allait en quête de gloire et de butin, le brigand zaporogue retranché dans la sèche du Dnieper, répandaient de désert en désert, de village en village, de rivière en rivière, une histoire du grand tsar qui ne ressemblait point à celle qu’écrivait M. de Voltaire, — pas davantage à celle que nous présentent les grands ouvrages russes de Golikof, Oustriælof et de M. Solovief. Le