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toujours resté du moment où nous avions en ligne des troupes régulières.

Les 350 dragons et gendarmes qui formaient toute la cavalerie de l’armée du nord ne pouvaient faire efficacement le service d’éclaireurs. Les Prussiens au contraire avaient une nuée de hussards et de uhlans, qui battaient la plaine à grande distance et empêchaient les paysans de se porter dans la direction des troupes françaises. On était par la force même des choses fort mal renseigné, mais des avis certains, donnés par quelques gens du pays qui étaient parvenus à tromper la surveillance de l’ennemi, ne laissaient aucun doute sur l’imminence d’une attaque. Le 27, au point du jour, tout le monde était sous les armes. La ligne française présentait du pont de Metz, son extrême droite, à Corbie, son extrême gauche, un front de 25 kilomètres, soit 5 kilomètres de plus qu’à Solferino ; les points avancés de son front de bataille étaient Petit-Saint-Jean, les tranchées de Dury, Gentelles, Cachy, Marcelcave, Villers-Bretonneux et Le Hamel[1]. Elle était commandée par le général Farre, ayant sous ses ordres MM. du Bessol, Lecointe et Derroja. Son effectif, ainsi que nous l’avons dit, était de 17,300 hommes, mais on avait dû laisser deux bataillons pour garder les passages de la Somme, à Sailly et à Bray ; cinq autres, composés de mobiles, étaient si incomplètement organisés et si mal commandés qu’on jugea prudent pendant l’action de les tenir en arrière comme une réserve fictive. Ces chiffres déduits, il restait sur le champ de bataille 13,700 hommes, qui, joints aux 7,800 employés à la défense des lignes d’Amiens, donnaient un total de 21,500 combattons, dont la moitié se composait de mobiles et de gardes nationaux sédentaires. Quant aux Prussiens, ils avaient sous les armes toute leur première armée, soit environ 40,000 hommes, aux ordres de Manteuffel, une cavalerie très nombreuse et 138 pièces d’artillerie. Ils se formèrent en demi-cercle autour de l’armée française, depuis Petit-Saint-Jean jusqu’au Hamel, en échelonnant partout sur leurs derrières de fortes réserves. De notre côté au contraire, nous avions à peine quelques compagnies de soutien, et toutes nos forces furent immédiatement engagées, non par un faux calcul des généraux, mais par la fatalité de la situation et de l’insuffisance numérique de l’effectif.

  1. Le choix de la position que nous indiquons ici a été critiqué par quelques écrivains militaires : elle était, a-t-on dit, beaucoup trop étendue ; les divers corps ne pouvaient que très difficilement communiquer entre eux, et ils avaient de plus la Somme à dos, tandis qu’en se couvrant par cette rivière ils auraient eu une ligne défensive d’une très grande force. Voyez, pour le débat contradictoire, Opérations de l’armée du Nord, p. 42 ; — ibid., dépêche du général du Bessol, p. 253 ; — général Faidherbe, Campagne de l’armée du Nord, p. 15 et suiv.