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remarquable essor ; mais, comme on n’est jamais trahi que par les siens, l’administration de l’instruction publique, pour appliquer je ne sais quel malencontreux règlement, l’a fait descendre de la deuxième classe à la troisième, quoiqu’il fût en pleine voie de prospérité, et que ses professeurs eussent à tous égards mérité l’estime et la confiance des familles. Le public, qui n’est point initié aux mystères de la bureaucrate, s’est imaginé bien à tort que ce déclassement impliquait un blâme, et la Providence en a fait son profit, au plus grand regret des amis de l’université, qui savent combien il importe de rehausser son prestige, en présence du développement toujours croissant des collèges dirigés par les corporations enseignantes.

L’ancienne abbaye de Saint-Acheul, comme la plupart des autres établissemens religieux de la vieille monarchie, possédait une fort belle bibliothèque. Les ouvrages conservés dans ces établissemens furent déclarés, au moment de la révolution, propriété nationale, et ils ont fourni le premier noyau de la bibliothèque publique, qui s’élève aujourd’hui à plus de soixante mille volumes, et qu’un legs récent de M. le comte de L’Escalopier vient d’enrichir encore d’une importante collection de livres d’histoire et d’archéologie. Le savant conservateur, M. Garnier, a publié en 40 volumes in-8o le catalogue des richesses confiées à sa garde, parmi lesquelles on compte environ 450 manuscrits du IXe au XIIe siècle. L’un de ces manuscrits, intitulé Figurœ bibliorum, a été exécuté en 1197 par un enlumineur de Furnes pour don Sanche de Navarre ; il ne contient pas moins de 1,000 miniatures, et se place par sa date au premier rang des raretés de l’art des imagiers. Un habitant d’Amiens, M. Leprince, a consacré une partie de sa vie à relier gratuitement les volumes les plus remarquables, et rien ne manque à ce riche dépôt scientifique, qui doublera dans un avenir prochain, grâce aux sacrifices que s’impose l’administration et aux libéralités des habitans, toujours disposés à montrer ce que peut l’initiative privée dans une ville industrieuse et riche ; la création du musée en est la preuve.

En 1852, la Société des antiquaires de Picardie conçut le projet de réunir dans un même local les nombreux débris romains et gallo-romains qu’elle recueillait chaque jour sur les divers points du département. Elle sollicita et obtint la concession d’un terrain domanial, qui s’agrandit de quelques parcelles appartenant à la ville. Le gouvernement donna des fonds, on ouvrit des souscriptions, et en 1865 un vaste bâtiment fut prêt à recevoir les richesses que la société avait l’assemblées. En 1870, cette société fit don à la ville des collections et du bâtiment, qui fut momentanément transformé pendant la guerre en ambulance prussienne, et