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principales fractions parlementaires, le président du Reichstag et le gouvernement pour arriver à la fin de cette session qu’on était impatient de clore. On convenait que le Reichslag se bornerait à voter ce qu’il y avait de plus urgent, qu’on écarterait la loi militaire, à laquelle l’empereur Guillaume tenait pourtant beaucoup, qu’il ne serait pas question non plus de la loi sur la presse, à laquelle, il est vrai, M. de Bismarck ne tenait guère. De cette façon, on allait pouvoir en finir rapidement ; mais on avait compté sans les auteurs de la proposition sur le timbre et le cautionnement, proposition qui avait la bonne fortune de rallier les nationaux-libéraux et les catholiques, de sorte que, lorsqu’il a fallu fixer définitivement l’oidre du jour, la motion sur le timbre a reparu, appuyée par un des chefs du parti catholique, M. Windthorst, par un des principaux organes du parti libéral, M. Lasker, et par M. Duncker.

C’est alors que M. de Bismarck, sous prétexte qu’on manquait à l’accord accepté, s’est jeté dans la mêlée avec une impatience et une furie qui rappelaient les beaux temps des conflits parlementaires avant Sadowa. M. de Bismarck a frappé d’estoc et de taille, ne ménageant pas plus les libéraux-nationaux ses amis que les catholiques. Il n’a pu surtout se contenir quand M. Lasker lui a fait observer qu’il n’était pas étonnant que le Reichtag profitât, pour s’occuper des « droits du peuple, » du temps qu’on lui faisait perdre en lui communiquant si lentement et si tard les documens les plus urgens pour les lois financières. Cette simple observation a paru à l’irritable chancelier a un trait trempé sinon dans le venin, du moins dans un suc très corrosif. » Les droits du peuple ! M. de Bismarck a fait une charge à fond sur ce qu’il appelait une rhétorique arriérée, une banale déclamation. La proposition sur le timbre des journaux a fini par être écartée, cela va sans dire. La session du Reichstag a pu être close depuis, après l’expédition rapide des affaires les plus pressantes, et le chancelier a pu partir aussitôt pour Varzin, où il paraît décidé à reposer ses nerfs pendant quelques mois ; mais il reste à savoir ce que deviendront dans un temps plus ou moins prochain, sous l’impression de ces violences de parole, et surtout à peu de distance de l’élection d’un nouveau parlement, les rapports de M. de Bismarck et des nationaux-libéraux, qui l’ont jusqu’ici soutenu dans toutes les audaces, même dans tous les excès de sa politique.

Ce ne serait rien, si d’un autre côté des symptômes assez graves, assez multipliés ne révélaient dans les hautes sphères de Berlin une sorte de crise où l’ascendant de M. de Bismarck pourrait fort bien être en jeu. Que M. de Bismarck reste un puissant personnage en Allemagne, qu’un ne puisse pas se passer facilement de celui qui a été l’audacieux et heureux promoteur de l’unité allemande, c’est bien évident. Il n’est pas moins vrai que son autorité est supportée avec une certaine impatience, qu’il ne fait pas tout ce qu’il veut, et que les difficultés semblent