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Ions quittait les hautes cimes de l’art pour vivre de notre vie moderne et combattre nos combats, sa règle devrait être celle-ci : ne se soumettre à aucune coterie, et, soucieux de la France avant toutes choses, travailler à détruire les haines civiles qui nous ont désunis même en face de l’ennemi. Tel est en effet le rôle du poète,

Et non pas de pousser à des rébellions
Tous ces mauvais instincts, bêtes fauves de l’âme,
Que l’on déchaîne aux jours des révolutions.

En essayant le portrait du roman idéal qui conviendrait à l’heure présente, nous avons retracé en même temps les devoirs auxquels ne saurait se soustraire aucun écrivain qui se respecte : la vérité humaine et morale, le souci du style et le patriotisme; mais « tout ce qui est beau est aussi difficile que rare, » nous nous en convaincrons une fois de plus en parcourant les romans que nous avons choisis parmi les ouvrages publiés dans ces derniers temps.


I.

La première impression qu’on éprouve à la lecture de ces romans, il faut le dire tout d’abord, c’est le regret de n’y rien trouver d’original, ni dans la pensée ni dans le style. L’imitation domine, et la pire des imitations, celle qui se fonde sur des principes faux d’esthétique et se donne une apparence d’école. Ce résultat est surtout inévitable après que certains écrivains ont obtenu par des hardiesses équivoques une renommée de mauvais aloi. On voit alors affluer les imitateurs, convoitant le même succès et s’attachant aux mêmes procédés. C’est aussi le moment où apparaissent les défuts de la conception première, les disciples ayant l’habitude de mettre à nu les vices du système, que l’inventeur avait parfois dissimulés sous le prestige de son talent. Aujourd’hui nous assistons à ce spectacle. Que n’a-t-on pas écrit pour défendre le réalisme, ou du moins ce qu’on entend par ce mot! L’horreur des thèses, l’indifférence à la moralité des héros, ont passé pour des vérités scientifiques. La théorie des milieux a été considérée comme un dogme, et c’était une loi de décrire les ameublemens, les vêtemens, les maisons, les villes, le ciel, le tempérament. Les partisans de cette doctrine citaient, pour la justifier, deux ou trois noms fameux; mais les imitateurs sont venus, ils ont développé insolemment les conséquences des principes, et nous pouvons voir aujourd’hui où elles aboutissent dans les livres de quelques écrivains, très différens sans doute, presque opposés même, qui semblent toutefois s’être concertés pour mettre en pleine lumière les ridicules ou les insuffisances de leur système.

Les trois romans de M. Zola, que l’auteur intitule avec une singu-