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pacification des industries. Peut-être y arriverait-on également dans les ateliers où les prix ne subissent pas de fortes variations par l’adoption des tarifs délibérés en commun, et qui resteraient en vigueur pendant un temps déterminé.

Il nous reste à toucher une dernière question, où la conférence d’Eisenach ne s’est inspirée que d’un intérêt allemand, et où elle n’a pas eu à prendre des leçons de l’Angleterre : c’est la question des loyers. Au fond, aucun principe n’est ici engagé, du moins s’est-on bien gardé d’en engager aucun. Le débat n’a porté que sur un fait local, particulier aux grandes villes allemandes, principalement à Berlin. On sait quelles réclamations y a dernièrement soulevées le renchérissement des loyers par suite d’un accroissement soudain et peut-être excessif de la population. La Prusse, devenue le centre d’un empire, supporte les conséquences de ses nouvelles grandeurs; elle a si largement étendu ses conquêtes, elle s’est si brusquement arrondie, qu’il faut, bon gré mal gré, qu’elle donne d’autres proportions à l’enceinte de sa capitale. De toutes parts lui arrive un surcroit de cliens; il faut les loger, pourvoir à ce besoin imprévu, et de telle façon que ceux qui sont nantis n’aient pas à souffrir de l’affluence de ceux qui sont à nantir, que pour tous la dépense à faire ne soit point au-dessus des ressources, et qu’on leur donne aussi économiquement que possible des logemens appropriés à leur condition. C’est là un problème qui n’est ni simple ni facile à résoudre, d’autant moins facile et simple que la population dont il s’agit est des plus remuantes que l’on connaisse, et que l’intérêt même de l’empire, c’est-à-dire la raison d’état, qui est souveraine, est en jeu dans la solution à intervenir. Voilà sous l’empire de quelles circonstances la question se présentait aux conférences d’Eisenach et à quelles conditions elle pouvait tenir convenablement sa place dans le programme tracé par des mains officielles.

Pour bien en marquer la provenance, ce fut M. Engel, conseiller privé, qui l’introduisit, mais il céda presque sur-le-champ la parole au député Wagner, qui eut les honneurs de la discussion. La thèse était familière à ce député du Reichstag ; il l’avait agitée, pour se former la main, dans une lettre publique adressée à M. Oppenheim, le banquier probablement, et lui avait donné des proportions et une forme singulières. Après avoir insisté sur l’importance des devoirs que venaient de créer à la capitale de l’empire une situation nouvelle dans l’histoire et la nécessité d’élever des constructions qui fussent en rapport avec ses destinées, il n’aboutit à rien moins qu’à la demande d’une expropriation générale des propriétaires urbains par la commune ou par l’état. D’après lui, ce moyen était le seul qui permît d’apporter quelque harmonie