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de temps possible. On dirait que la manufacture n’est qu’un hors-d’œuvre, et qu’à y tenir sa place l’enfant déroge; c’est pourtant la manufacture qui lui donne un salaire et lui apprend son métier; mais qu’importe à un professeur? Non-seulement il réglera l’âge de l’entrée des enfans, le nombre d’heures de leur travail, les heures de repos, mais il voudra que ces heures soient fixées par des moyens réguliers et des horloges autorisées, et cela avec une précision telle qu’aucune erreur, aucun abus, ne soient possibles; ainsi seulement on aura la garantie qu’aucune minute n’est dérobée à l’école. Ce n’est pas tout aux yeux de M. Brentano; la surveillance des enfans dans les manufactures ne lui suffit pas, ne le contente pas : il veut que cette surveillance accompagne l’enfant à sa sortie et chez ses parens ou tuteurs, qu’aucun de ses actes n’y échappe, qu’il n’ait du matin au soir ni un écart ni une distraction, pas même une occupation supplémentaire. De là les propositions suivantes : 1° qu’il manque à la législation allemande sur les manufactures, pour répondre aux besoins existans, une mise en œuvre effective par des employés de l’état à titre fixe, 2° que cette législation a besoin d’interdictions plus larges s’appliquant aux heures du travail et une observance plus stricte des règles scolaires, qu’elle doit en outre s’étendre à toutes les branches d’activité industrielle où se produisent des inconvéniens analogues, 3° enfin qu’elle doit s’appliquer aux femmes mariées avec les distinctions qui seront nécessaires.

Sauf les minuties, il n’y a rien dans tout cela qui n’ait été depuis longtemps consacré par les monumens de la législation anglaise. Les Allemands, pour remplir leur programme, n’auraient qu’à les copier : ces monumens remontent très haut dans le siècle et ne s’arrêtent qu’à des années récentes. Ainsi c’est en juin 1802 que le premier sir Robert Peel présenta le bill célèbre qui limitait le travail des femmes et des enfans sous certaines conditions, dans certaines filatures. En 1833 paraît le premier des factories act (actes sur les manufactures), acte complet et efficace qui abaisse de vingt et un à dix-huit ans la limite d’âge pour le travail de nuit et étend l’intervention de la loi à toute espèce de filatures mues à la mécanique. Au-dessous de dix-huit ans, le travail est limité à douze heures avec une heure de repos, en tout soixante-neuf heures par semaine. La loi assure à ses protégés le repos du dimanche et des jours fériés; elle pose le principe salutaire que l’enfant auquel ses parens demandent un travail manuel avant l’âge de treize ans a droit, en échange, à une certaine instruction, et elle établit en sa faveur l’instruction obligatoire; enfin elle assure sa propre efficacité par la création d’inspecteurs spéciaux des manufactures.

Depuis ce premier acte, qu’on peut appeler fondamental, une