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nitive, l’effet utile de la houille ne surpasse donc celui de la pondre que 3 ou 4 fois; mais la houille reprend tout son avantage, si l’on considère la valeur économique des deux agens. Un kilogramme de houille coûte 3 centimes et peut rendre jusqu’à 200 tonneau-mètres; pour obtenir le même effet, il faut brûler au moins 3 kilogrammes de poudre, qui reviennent à 6 francs.

Pour achever la comparaison de deux moteurs, il faut encore faire entrer en ligne de compte le temps qu’ils mettent à s’acquitter de leur besogne. Une distinction fort importante à faire, c’est celle du travail, — ouvrage, effet mécanique, — et de la puissance, de la vigueur de l’ouvrier. Le kilogrammètre est l’unité de travail, unité mécanique, indépendante du temps employé; le cheval-vapeur, — 75 kilogrammètres par seconde, — est l’unité de puissance, unité essentiellement économique. Autre chose est accomplir une fois un grand effort, ou travailler patiemment, d’une manière soutenue. Tel athlète ne vaudrait pas, comme ouvrier, un bon manœuvre; un cheval de course ne vaut pas un cheval de roulier au point de vue du travail. Cependant le cheval de course coûte cher à nourrir, à élever, à entraîner; il fournit une fois un effort exceptionnel, et dépense en quelques instans une immense provision de force accumulée : c’est un ressort qui se débande ; c’est une explosion d’énergie, comme dans le cas de la pondre. On aurait tort d’atteler un cheval de course, ou de faire courir un percheron. De même, les agens explosifs ne paraissent pas destinés à jouer un rôle dans le domaine îles moteurs industriels, et la vapeur ne sera peut-être jamais employée à lancer des projectiles, malgré les avantages qu’elle semble offrir sous le rapport économique. Pour imprimer à un boulet de 10 kilogrammes une vitesse de 400 mètres, il faudrait le travail d’un cheval-vapeur pendant dix-huit minutes, c’est-à-dire que l’on consommerait 400 grammes de houille, — la dépense serait de 1 centime, tandis que la charge de poudre coûterait 3 francs; mais la difficulté serait de réaliser le canon à vapeur.

De 1792 à 1793, on a fabriqué en France 10 millions de kilogrammes de poudre de guerre. En les supposant consommés dans le même temps, ce serait l’équivalent de 600 millions de tonneau-mètres, — de quoi transporter à 80 mètres de hauteur la grande pyramide d’Egypte. En y regardant de plus près, on trouve que le travail ainsi dépensé est bien moins considérable qu’il n’en a l’air. Deux années contiennent 60 millions de secondes; la poudre brû-