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miniature, placé verticalement, et dont la bouche était fermée par un énorme poids que l’explosion de la poudre devait soulever.

Avec une charge de 6 décigrammes de poudre, on n’obtint qu’un faible bruit, le poids fut à peine ébranlé ; lorsqu’on le souleva au bout de cinq minutes, il s’échappa un jet de gaz, et l’âme du canon fut trouvée obstruée par une matière solide très dure qu’il fallut enlever avec un foret. Rassuré par ce résultat, on tripla la charge, — ce n’était encore que la charge d’un pistolet de poche à peine ; cette fois le petit canon en fer forgé fut brisé et les deux morceaux lancés au loin. La tension des gaz qui avait produit la rupture du fer avait dû être de 55,000 atmosphères d’après l’évaluation de Rumford. Ce chiffre, il est vrai, résulte d’un raisonnement peu rigoureux ; en tenant compte de toutes les conditions de l’expérience, le général Piobert a démontré que la pression n’avait guère dépassé 12,000 atmosphères. Dans les expériences ultérieures de Rumford, le poids qui fermait le canon cédait en effet à des pressions inférieures à 10,000 atmosphères. Néanmoins, toujours préoccupé du résultat qu’il a déduit de la rupture du petit canon, il force ses chiffres, et se trouve conduit à prendre 100,000 atmosphères pour l’effort maximum des gaz.

Parmi les expériences plus récentes qui ont été faites en vue de mesurer la tension des gaz dans l’intérieur du canon, il faut citer celles que le major Rodman entreprit en 1857, aux États-Unis, à l’aide d’un appareil de son invention et qui porte son nom. Le poinçon Rodman est un piston qui traverse un canal percé quelque part dans le corps du canon, et qui, poussé par les gaz, fait une entaille dans une rondelle de cuivre doux ; la profondeur de l’entaille fait juger de la pression. Les résultats obtenus par l’inventeur sont assez décousus et n’inspirent pas grande confiance[1]. Il est très rare de voir se produire en Amérique un travail scientifique vraiment sérieux ; on y travaille trop vite, et on est trop facilement satisfait. Toutefois l’appareil dii major Rodman repose sur une idée ingénieuse. On l’a perfectionné en Angleterre, en substituant à la rondelle qui reçoit l’empreinte du poinçon un petit cylindre de cuivre que le piston écrase lorsque la tige est poussée par les gaz qui se dilatent ; c’est l’appareil connu sous le nom de crusher (écraseur). On peut l’appliquer en un point quelconque du canon après y avoir pratiqué une ouverture ; on peut même le fixer au culot du projectile. De 1869 à 1871, la commission anglaise des substances explosives a fait de nombreuses expériences avec ces deux ap-

  1. Les pressions constatées étaient comprises entre 4,900 et 12,400 atmosphères.