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La dynamite fabriquée à Paris pendant le siège et à Paulille pendant toute la dernière période de la guerre a rendu les plus grands services à la défense. Parmi les applications les plus utiles dont elle a été l’objet, il convient de citer les travaux exécutés pour dégager la flottille de canonnières prise dans les glaces de la Seine, près de Charenton. Les moyens ordinaires avaient été reconnus d’un emploi trop long et trop coûteux pour déblayer le fleuve, encombré dans une longueur de plus de 1 kilomètre par des glaçons empilés et soudés depuis la surface jusqu’au fond de la rivière, sur une hauteur de 3 ou 4 mètres; avec des pioches et des leviers, il aurait fallu trois mois et une dépense de 200,000 francs, à en juger d’après l’effet dérisoire des premières tentatives. Le résultat fut obtenu en quelques jours et avec une dépense minime par l’explosion de la dynamite posée simplement à la surface des glaces. La détonation disloquait la masse et dissociait les piles de glaçons, que l’on achevait de couler bas avec la proue d’un petit bateau à vapeur. La dynamite n’a pas été moins précieuse pour les opérations militaires proprement dites. Le génie en a fait le plus grand usage au Drancy, au plateau d’Avron, pour détruire des maisons de garde-barrière et d’autres constructions où des postes ennemis s’étaient installés. A Buzenval, elle servit à pratiquer de vastes brèches dans les murs derrière lesquels les troupes allemandes s’étaient retranchées.

Le nouvel agent est susceptible d’application dans les travaux de la paix aussi bien que dans ceux de la guerre. On a eu récemment un exemple frappant des services qu’il peut rendre à l’industrie des chemins de fer, dans la construction de la ligne de Montpellier à Rodez. Un tunnel dut être percé sur cette ligne, à Saint-Xist, dans le calcaire jurassique dur. La roche devint en peu de temps tellement aquifère, qu’avec l’emploi de la poudre ordinaire ni les puits, ni les galeries n’avançaient. Cependant les autres travaux touchaient à leur terme, et l’on prévoyait l’instant où la difficulté d’achever le tunnel empêcherait l’ouverture de la ligne. C’est alors qu’on eut recours à la dynamite. Dès que les ouvriers eurent acquis quelque habitude de l’usage de cet agent, les avancemens s’élevèrent à 30 centimètres par jour dans les puits en forage, et à 1 mètre 30 centimètres dans les galeries en percemens. Un moment, par suite de l’encombrement des voies ferrées, une livraison considérable de poudre Nobel se fit attendre : on fut réduit à continuer les travaux avec la poudre ordinaire; aussitôt les avancemens quotidiens retombèrent à 8 centimètres dans les forages et à 30 centimètres dans le percement des galeries, avec un personnel égal. Dans les tranchées et les tunnels de Cerbère, sur la section de