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C’est cette pâte qui a reçu le nom de dynamite. M. Nobel l’a fabriquée tout d’abord en mélangeant intimement 75 parties de nitroglycérine avec 25 parties d’une sorte de terre blanche poreuse et siliceuse, composée d’infusoires fossiles et qui se trouve en grande abondance en Allemagne, surtout dans le Hanovre, où on rappelle kieselguhr. Les grains fort ténus de cette poussière absorbent parfaitement la nitroglycérine, qui s’y maintient par un effet de capillarité. Au début de la fabrication, il est vrai, la nitroglycérine semblait avoir quelque tendance à se séparer de la silice, mais on a reconnu depuis qu’il suffisait de soumettre le mélange onctueux des deux ingrédiens à une pression convenable dans de petites cartouches en parchemin pour obtenir une composition homogène et stable, susceptible d’être emballée et transportée sans aucune chance d’explosion. Depuis l’invention de la dynamite, beaucoup d’expériences ont été faites en vue de modifier la nature ou les proportions de la matière inerte employée par M. Nobel. Pendant le siège de Paris, MM. Girard, Millot et Vogt se sont livrés à d’actives études sur ce sujet; ils ont reconnu que la silice et l’alumine précipitées, le tripoli, le sucre et plusieurs autres substances peuvent remplacer le sable blanc de Hanovre; mais celui-ci l’emporte cependant sur toutes les autres matières par la facilité avec laquelle il absorbe et retient la nitroglycérine. Parmi beaucoup d’autres modifications de la dynamite, nous citerons un mélange dit lithofracteur, moins riche en nitroglycérine que la dynamite, et contenant du nitrate de soude, du sable, de la sciure de bois, avec un peu de soufre. Cette préparation est depuis quelque temps l’objet d’expériences suivies en Allemagne et en Angleterre.

L’introduction de la dynamite en France date de la fin de 1870, et c’est la guerre qui en fut cause. Plusieurs fabriques de dynamite furent improvisées pendant le siège de Paris, à Grenelle, à La Villette, aux Carrières d’Amérique. Ces manufactures produisaient, au mois de décembre 1870, 300 kilogrammes par jour de dynamite possédant toutes les propriétés de la dynamite Nobel. En même temps, le comité de défense siégeant à Tours ordonna la création d’une manufacture de dynamite à Paulille, dans les Pyrénées-Orientales. Dès la fin de novembre, cette fabrique était en pleine activité; à la fin de l’année 1871, elle fournissait environ 15,000 kilogrammes de dynamite par mois, et aujourd’hui elle en livre des quantités beaucoup plus considérables encore tant au ministère de la guerre qu’au commerce[1].

  1. Les exploitans des mines, les entrepreneurs des tunnels et des travaux sous-marins en France, en Italie, en Espagne, en Afrique, sont les consommateurs ordinaires de la dynamite fabriquée à Paulille.