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contre-temps administratifs, aucun de ces canons ne fut envoyé en Lombardie au commencement de la guerre de 1859. La supériorité de nos pièces rayées pendant cette campagne excita l’émulation des artilleurs autrichiens, et l’on allait envoyer trois batteries à fulmi-coton sur le théâtre des opérations militaires quand la paix de Villafranca vint couper court à l’expérience.

Le coton n’est pas la seule substance inerte à laquelle l’acide nitrique puisse communiquer une formidable activité. Tout le monde connaît aujourd’hui ce liquide onctueux au toucher, doux au goût, limpide et innocent, qu’on appelle la glycérine. Quand on fabrique du savon en mélangeant des graisses neutres avec de la potasse ou de la soude, on provoque la décomposition de ces graisses d’une part en acides gras qui se combinent avec la potasse ou la soude, — cette combinaison est le savon, — et d’autre part en glycérine.. Or en faisant réagir l’acide nitrique sur la glycérine, on convertit ce liquide, incapable de bruit et de mal, employé dans la parfumerie, en une huile jaunâtre, corrosive, extrêmement vénéneuse et douée d’une force explosive prodigieuse. C’est un chimiste italien, Ascagne Sobrero, qui a découvert ainsi en 1847 la nitroglycérine, la plus redoutable des rivales de la poudre. Il suffit de frapper avec un marteau une enclume où se trouve une seule goutte de nitroglycérine pour produire une détonation comparable à celle d’un coup de fusil.

Jusqu’en 1863, le produit préparé par Sobrero ne sortit point des laboratoires, où il ne passait d’ailleurs que pour une dangereuse curiosité. À cette époque, un ingénieur suédois, M. Nobel, eut l’idée de le faire servir au sautage des mines. Tout d’abord, il en imprégna des grains de poudre qu’il enflammait ensuite par le procédé ordinaire. Peu satisfait du résultat, il rechercha d’autres moyens de provoquer l’explosion de la nitroglycérine, et après bien des tentatives il reconnut que l’artifice le plus simple et le plus efficace consistait dans l’emploi d’une forte capsule, dont le choc et la température, en se transmettant à la nitroglycérine, assuraient la complète combustion de toute la masse. Dès lors cette huile jaune prit rang, dans l’industrie minière, parmi les agens d’explosion les plus puissans. En Suède, en Allemagne et dans d’autres pays, la nitroglycérine devint l’objet d’une importante fabrication. Malheureusement il était impossible, soit en la préparant sur une grande échelle, soit en la manipulant pour l’emmagasiner, soit en l’exposant aux chocs d’un long transport, d’éviter les conséquences de l’instabilité de ce produit. De fait, les accidens graves dus à la nitroglycérine ont été nombreux entre les années 1863 et 1867. Il y a quelque temps, un préparateur de l’école de pharmacie de