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qui se décomposent en détonant. Le nombre de ces substances s’est singulièrement multiplié depuis cinquante ans, — depuis que les chimistes s’efforcent d’épuiser l’inépuisable variété de combinaisons qui fournissent des corps non prévus par la nature. Le fulminate de mercure, le chlorure et l’iodure d’azote présentent le double inconvénient d’être fort coûteux et d’un maniement très dangereux; c’est pour cela qu’il n’a jamais été question de les substituer à la poudre ordinaire. Il n’en est pas de même d’un autre produit explosif, riche en azote comme tous les précédens, connu parmi les savans sous le nom de pyroxyle, et dans le public sous celui de colon-pondre ou fulmi-coton. Quand en 1846 le célèbre chimiste bâlois Schœnbein révéla pour la première fois les propriétés de ce corps singulier[1], on crut bien que la poudre au salpêtre avait fait son temps. Une étude plus attentive et une expérience plus consommée des vertus explosives du fulmi-coton ne tardèrent pas à modérer les espérances de la première heure. Schœubein préparait le pyroxyle en tenant du coton plongé pendant un quart d’heure environ dans un mélange d’acide nitrique et d’acide sulfurique, puis en lavant à grande eau et en desséchant les fibres avec précaution. Le coton ainsi préparé n’a pas beaucoup changé d’aspect; il a conservé sa texture fibreuse, sa consistance et sa couleur; mais une modification profonde s’est opérée dans sa structure intime. Le coton ordinaire est un hydrate de carbone, c’est-à-dire un composé représenté par du charbon combiné aux deux élémens de l’eau, l’oxygène et l’hydrogène; le coton traité par l’acide nitrique a une composition toute différente. Il a emprunté et fixé une grande partie de l’oxygène et de l’azote contenus dans cet acide, et c’est cette condensation d’un énorme volume de fluides élastiques dans un très petit espace qui est la vraie raison des propriétés particulières aux substances explosives.

Le fulmi-coton parut, dès les premières expériences, bien supérieur à la poudre ordinaire au point de vue de l’énergie et de l’inaltérabilité. Malheureusement les armes de guerre n’y résistaient point: toujours il fatiguait, souvent il détériorait, et parfois il faisait éclater les pièces les plus solides. Employé sous forme de ouate comme poudre de mine, il n’offrit d’abord que des avantages, et jouit, pendant un certain temps, d’une vogue considérable. Les accidens terribles auxquels il donna lieu plus d’une fois dans les usines où on le préparait en restreignirent vite l’emploi, et il allait

  1. Depuis longtemps, un chimiste français, Braconnot, avait vu qu’en traitant la cellulose, l’amidon par l’acide nitrique, ces corps changent de nature et deviennent inflammables. Avant Schœnbein également, Pelouze avait préparé du fulmi-coton, mais sans en reconnaître les propriétés.