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deux canons abandonnés le matin, et laissant plus de 600 des leurs sur le terrain pendant ce combat de quelques instans. Voilà ce que le général Ducrot entendait de Champigny sans pouvoir soupçonner que c’était le 3e corps qui attaquait à cette heure. S’il l’avait su, c’était le moment de ramener toute l’armée en avant ; il ne l’apprenait qu’en se rapprochant de Villiers, et, s’emparant aussitôt des troupes qu’il avait sous la main, il faisait de son côté une charge nouvelle mais déjà la nuit tombait, venant interrompre cette lutte, qui laissait après tout l’armée française sur quelques-unes des positions conquises le matin.

Pendant que l’action principale se déroulait ainsi autour de Villiers et de Champigny, on avait combattu toute la journée à Saint-Denis d’une part, — entre la Marne et la Seine d’un autre côté. Dès le matin à Saint-Denis, l’amiral La Roncière Le Noury avait mis ses forces en mouvement. La brigade Lavoignet, soutenue par la division de cavalerie Bertin de Vaux, s’était avancée dans la plaine d’Aubervilliers, occupant sans combat Drancy et Groslay ; mais l’attaque principale n’était pas là, elle devait porter sur Épinay, elle était confiée à la brigade Hanrion, composée de fusiliers marins, de trois bataillons de mobiles de la Seine et du 135e de ligne. On devait être appuyé par une batterie flottante de la Seine. Ce n’est guère que vers deux heures que l’action commençait. Tandis que deux compagnies de fusiliers marins s’engageaient sur la gauche par le chemin de halage, enlevant les barricades qu’elles trouvaient devant elles, et pénétrant de vive force dans le village, le général Hanrion, avec le reste de ses forces, abordait Épinay de front sous la plus violente fusillade. Il n’avançait pas moins, soutenant à travers les rues et les maisons une lutte meurtrière qu’il dirigeait avec le plus courageux sang-froid. Les hommes le suivaient comme les soldats suivent toujours les braves gens qui savent les conduire. Le baron Saillard, qui avait quitté son poste de ministre plénipotentiaire pour devenir chef du 1er bataillon des mobiles de la Seine, et qui commandait la première colonne d’attaque, recevait là trois blessures dont il mourait peu de jours après. Épinay avait été enlevé après un combat de deux heures, où l’on avait fait 80 prisonniers. C’était un succès évident, dont on ne croyait pas néanmoins devoir profiter ; à la nuit, la brigade Hanrion était rappelée à Saint-Denis. A l’autre extrémité, l’affaire engagée entre la Marne et la Seine n’avait pas été moins chaude, et elle avait été moins heureuse. La division Susbielle, détachée du 2e corps de l’armée de Ducrot, avait pour mission de s’emparer de Montmesly, et au matin en effet, s’élançant de Créteil, elle avait abordé avec vigueur la position, qu’elle avait enlevée, où elle s’était établie, non sans avoir eu à soutenir une lutte singulièrement vive, où périssait le général