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la liberté religieuse, et qui en ont laissé échapper l’aveu naïf l’autre jour dans cette discussion même ; mais c’est de ceux-là surtout qu’on peut dire qu’ils n’ont pas heureusement le pouvoir d’aller jusqu’au bout de leurs desseins.

Oui assurément, il y a un point supérieur à tout : l’état est laïque, sa mission est de faire de la politique, non de la religion, son premier devoir est de respecter l’indépendance de la conscience chez tous, même chez ceux qui ont le malheur de ne croire à rien. Est-ce à dire que l’état doive rester désarmé contre toutes les fantaisies corruptrices et contre tous les excès qui peuvent se produire sous le masque de l’indépendance du for intérieur ? Est-ce que la liberté ne peut pas être en péril de plus d’un côté ? La liberté de conscience, elle ne serait pas sans doute fort en sûreté sous la garde de M. de Franclieu ou de M. le général Du Temple, ces chevaliers incorruptibles de l’orthodoxie ; mais elle n’est point à coup sûr moins menacée par toutes ces répugnantes comédies, par ces profanations de la mort, dont le ministre de l’intérieur, M. Beulé, n’a eu qu’à retracer l’autre jour l’instructif et navrant tableau pour rallier à l’arrêté de M. le préfet du Rhône une majorité considérable où l’on compte même des membres de la gauche. Que voit-on en effet sous prétexte de ce droit, d’ailleurs mis hors de cause, de se faire enterrer civilement ? Des obsessions au chevet des raourans, des affiliations enchaînant la dernière volonté de celui qui s’en va, des violences faites aux familles, des enfans de quelques jours, de six mois, d’un an, dont on fait des objets d’exhibition, des cadavres qu’on va ramasser à prix d’argent pour leur faire des obsèques selon le rite nouveau, un mari séparé de sa femme depuis longtemps et allant chercher le corps de la malheureuse, aussitôt qu’elle est morte, pour lui administrer la sépulture d’ordonnance : tout cela combiné, organisé de façon à devenir une occasion de manifestations incessantes avec des insignes, des immortelles rouges et des quêtes pour les détenus politiques ! Alors naturellement la police intervient, elle est dans son droit ; si, elle excède un peu son droit, on est encore tenté de lui pardonner, comme on l’a fait l’autre jour, parce qu’elle soulage une ville entière de ce spectacle de profanations qui n’ont certes rien à voir avec le respect des croyances individuelles, et tout ce monde d’agitateurs, ces héros vulgaires de l’enterrement civil, au lieu de servir la liberté de conscience, ne font que la compromettre. Ils fournissent des prétextes malheureusement trop plausibles à ceux qui ne demanderaient pas mieux que de donner une légère extension à l’arrêté de M. le préfet de Lyon. En vérité, les radicaux sont accoutumés depuis quelque temps à d’étranges victoires. Le radicalisme veut montrer sa force, il fait nommer M. Barodet à Paris, M. Ranc à Lyon, et du coup le gouvernement du 24 mai naît à Versailles ! Les radicaux organisent, multiplient les enterremens civils, comme pour jeter le défi à toutes les croyances religieuses, et aussitôt