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de la vie et ne prenaient en général ni or, ni argent, ni bijoux, pas même des montres, à moins qu’ils ne fussent pressés par le besoin. Il n’en était pas de même des Bavarois et des Polonais, qui ne laissaient rien après eux, s’emparaient des objets de la plus petite valeur et détruisaient tout. Les Wurtembergeois ne tardèrent pas à les imiter; ce furent eux qui imaginèrent de déterrer les cadavres[1]; faisant le mal pour le seul plaisir du mal, ils brisaient ce qu’ils ne pouvaient emporter et dont ils n’espéraient pas de débit... Les Français ne commettaient point de dégâts inutiles. Leur politesse se manifestait au milieu même de leurs excès, et souvent elle présentait de bizarres contrastes... Je déclare, pour rendre hommage à la vérité, que personne n’a reproché soit aux généraux, soit aux maréchaux, soit à Buonaparte lui-même, d’avoir détourné la moindre chose pour leur compte personnel. »

Les Allemands de la confédération du Rhin, à la bravoure desquels les bulletins impériaux savent rendre hommage, ne pouvaient cependant être aussi soucieux que les Français de l’honneur de la grande armée. Les Bavarois et les Wurtembergeois, contre lesquels Wolzogen porte ici témoignage, ont, dans toutes les campagnes de l’empire, donné lieu aux mêmes plaintes. En tous pays, ce sont eux surtout qui se sont rendus coupables des excès que les armées allemandes, y compris les Bavarois et les Wurtembergeois, viennent de nous rendre au centuple. Dans les campagnes de 1806 et de 1807, ils dévastèrent tous les pays où les conduisit Jérôme Napoléon : la Thuringe, le royaume de Saxe, la Silésie prussienne, la Pologne. En 1809, les Bavarois méritent, par leurs pillages et leurs cruautés, les plus sanglans reproches de leurs propres généraux et des historiens allemands. En 1812, dans la marche de la grande armée à travers la Prusse, la Pologne et la Russie, on suit pour ainsi dire à la trace nos auxiliaires tudesques. A Thorn déjà, Napoléon ordonnait à Berthier de signifier à Davout que « la terreur et la désolation sont en Pologne par la conduite des Wurtembergeois, qu’il est tenu de mettre un terme à cette manière de faire, qu’il fasse mettre à l’ordre le mécontentement de sa majesté contre les Wurtembergeois, et qu’il prenne les mesures les plus promptes pour que le pays ne soit pas dévasté, sans quoi nous allons nous trouver comme en Portugal.» Ils avaient pourtant à leur tête le prince royal de Wurtemberg. Les remontrances n’y font rien. De Gumbinnen, Napoléon adresse une lettre irritée à Davout : « J’ai supprimé la brigade wurtembergeoise et l’ai mise à l’ordre de l’armée, c’est-à-dire de l’Europe. J’ai fait écrire au prince royal qu’il courait risque d’avoir les plus

  1. Il s’agit probablement d’une tentative de profanation sur les tombeaux des tsars à Saint-Michel-Archange.