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qui servent à l’industrie on augmente le prix de la fabrication, on le met hors d’état de lutter contre la concurrence étrangère; on lui lie les jambes lorsqu’il aurait besoin de marcher. Cet impôt des matières premières dût-il fournir les 93 millions portés au budget, il faudrait encore le proscrire parce qu’il nuirait à la richesse publique pour une somme bien supérieure. Il en serait de même, si on y regardait de près, d’autres impôts votés l’année dernière, qu’on s’obstine à garder et qui ne sont pas meilleurs, comme par exemple l’impôt spécial sur les valeurs mobilières. Cet impôt arrive aujourd’hui à plus de 6 pour 100, et nous ne serons contredits par personne en affirmant que les inconvéniens qu’il a, et que les hommes de finances peuvent seuls apprécier, ne sont pas compensés par les 25 millions qu’il procure à l’état.

Donc, si nous récapitulons d’une part ce qui n’a pas été porté en dépense au budget de 1874 et qui aurait dû y être, et de l’autre le déficit qui se produira dans les recettes, ne fût-ce que par la suppression ou la modification de l’impôt sur les matières premières, sans parler de tous les autres imprévus qui auront lieu au passif beaucoup plus qu’à l’actif, on arrive à un déficit de 110 à 120 millions, et cela en dehors de quelques taxes nouvelles que proposait le dernier ministre des finances jusqu’à concurrence de 39 millions, et que son successeur ne paraît pas disposé à soutenir, — ce qui augmenterait encore le déficit d’une trentaine de millions. Il y aurait alors 150 millions environ de ressources supplémentaires à chercher. Où les trouver? On ne peut plus guère demander de surcharge aux taxes indirectes, on en a déjà trop forcé la mesure; ces taxes, excellentes et productives lorsqu’elles sont modérées, deviennent très nuisibles et rapportent peu quand elles sont excessives. Il n’y a que l’impôt du sel auquel on n’a pas encore touché, et qu’on pourrait augmenter aisément. Un décime ajouté à cette taxe procure 33 millions, et, si on en ajoute deux pour revenir à ce qui existait avant 1848, la plus-value dépassera 60 millions. Cela en vaudrait la peine ; mais on recule devant l’impopularité qui résulterait, croit-on, du rétablissement de cette surtaxe. Aucun parti n’ose prendre la responsabilité de la proposer, et le gouvernement ne paraît pas y être plus disposé que les autres. En attendant, on parle d’un impôt sur les factures ou sur le chiffre des affaires, qui a déjà été discuté l’année dernière, et qui devrait rapporter 100 millions. Cet impôt n’est pas réalisable. On s’en aperçoit bien vite quand on pénètre dans l’application. Voilà deux négocians : l’un gagne 100 pour 100 et plus sur ses opérations; avec 200,000 francs d’affaires, il réalise un bénéfice de 100,000 francs. A raison de 1 pour 1,000, si tel est le montant de l’impôt, il paiera au fisc 200 francs par an. A côté, dans la rue du Sentier par exemple, un