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les emprunts sont destinés à combler des déficits. C’est un abîme sans fond qui se creuse sous les pieds.

Ceci dit sur le compte de liquidation, qui nous réserve probablement des surprises désagréables, voyons comment se présente le budget de 1874, car c’est avec lui que va commencer l’épreuve sérieuse; tous les autres budgets depuis la guerre, y compris celui de 1873, seront réglés au moyen de reliquats d’emprunts; celui de 1874 n’aura que des ressources régulières. D’après le dernier ministre des finances, il serait facilement en équilibre, il aurait même un léger excédant de 2,500,000 francs. On peut dire d’abord qu’on n’y porte pas toutes les dépenses que le budget devrait comprendre. L’état doit chaque année aux grandes compagnies de chemins de fer, pour la garantie d’intérêt qu’il leur a promise, une somme qui varie entre 30 et 35 millions, qui s’est même élevée jusqu’à 40; au lieu de la leur payer en capital, il lui paraît plus commode d’en acquitter seulement l’intérêt. C’est un emprunt déguisé qui ajoute chaque année à nos charges irréductibles une somme de 2 millions environ. Pour peu que l’on continue dans cette voie, on aura bientôt une nouvelle dette considérable provenant de ce chef. Or ce n’est pas avoir un budget en équilibre que de porter en augmentation du capital de la dette une garantie qui fait partie des dépenses ordinaires. Maintenant on n’a rien prévu pour les crédits supplémentaires qui ne manqueront pas de se produire, et, comme on a en même temps escompté la plus-value que pouvaient donner les impôts, s’ils en donnent une, en prenant les évaluations de l’exercice en cours, au lieu d’adopter celles de l’exercice clos, ainsi que cela doit se faire, on aura bien encore quelques mécomptes de ce côté.

Il est vrai que les recettes publiées pour le premier trimestre de 1873 ont déjà donné un excédant de 10 millions sur les prévisions; mais on ne peut pas assurer que cette amélioration continuera pendant tout l’exercice, et qu’il n’y aura pas quelque déficit par suite de l’inquiétude qu’ont fait naître les dernières élections politiques. Enfin on a compté sur des recettes fort douteuses. Il y a d’abord l’impôt sur les matières premières, évalué à 93 millions; or cet impôt est très discuté, il est aujourd’hui peu probable qu’il soit maintenu, et, quand il le serait avec des modifications, il ne donnerait pas les 93 millions qu’on espère. Cet impôt des matières premières est la grande erreur du dernier gouvernement. On n’a pas réfléchi qu’il y a des taxes qui coûtent plus qu’elles ne rapportent; celle-là est du nombre. Quel est aujourd’hui le grand intérêt du pays? C’est d’avoir toute l’expansion possible dans son commerce extérieur pour être à même de supporter plus aisément les charges qu’on est obligé de lui faire subir. Or, si par un impôt sur les choses