Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 106.djvu/171

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pays. Il a beau ne pas être dans les caves de la Banque, ne pas servir de garantie immédiate à la circulation fiduciaire, on sait qu’il existe, qu’il se cache momentanément, et qu’il reparaîtra le jour où il y aura plus de tranquillité politique ; cette assurance suffit pour maintenir les billets au pair.


II.

Qu’on nous permette ici une réflexion à propos de la quantité de numéraire que possède le pays, et qui ne doit pas être loin de 6 milliards. On a souvent dit qu’elle était trop considérable, qu’il y aurait profit à la diminuer et à recourir plus qu’on ne le fait aux moyens de crédit qui sont en usage dans d’autres états, tels que les chèques, les viremens de comptes et les clearing houses. Ces moyens ont en effet des avantages sur le numéraire. Ils sont plus expéditifs pour les paiemens, et en outre ils ne coûtent rien. C’est « le chemin dans les airs » dont a parlé Ricardo, tandis que le numéraire, qui a une valeur propre résultant de la rareté et du travail employé pour l’obtenir, est un chemin sur terre qui coûte plus ou moins. On a souvent cité l’exemple de l’Angleterre, qui fait plus d’affaires que nous avec 2 milliards 1/2 de numéraire. L’Angleterre liquide chaque année pour 150 milliards de transaction avec son clearing house, sans pour ainsi dire échanger de souverains et sans presque même employer de banknotes; de plus elle commandite l’univers entier sur ce simple stock métallique. C’est merveilleux; mais il y a le revers de la médaille. Pour maintenir intact le crédit dont elle fait un usage si considérable avec si peu de numéraire, elle se croit obligée de renfermer sa circulation fiduciaire dans des limites très étroites. Au-delà d’un certain chiffre, qui est de 375 millions de francs pour la Banque d’Angleterre, on ne peut pas émettre un billet sans en avoir la représentation en espèces. Il en résulte quelquefois des embarras extrêmes. Par l’habitude où l’on est dans ce pays d’utiliser toutes les épargnes, de les placer dans les banques particulières, qui ont elles-mêmes leurs réserves en dépôt à la Banque d’Angleterre, celle-ci se trouve être le pivot sur lequel roule tout le crédit de la nation, le seul endroit où l’on puisse se procurer des espèces métalliques : aussi, quand il y a la moindre pression sur le marché monétaire, les moindres besoins extraordinaires, c’est à elle qu’on s’adresse de toutes parts, et, comme elle a toujours une encaisse restreinte et qu’elle ne peut pas étendre la circulation fiduciaire à volonté, elle est forcée, pour se défendre, d’élever précipitamment le taux de l’escompte dans des proportions inouïes, — il n’est pas rare de voir celui-ci monter de 3 ou 4 pour 100 en quelques semaines, — heureuse encore si à ce