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change défavorable, ce qui a lieu quelquefois, c’est encore un signe de sa richesse. C’est parce que, n’ayant pas l’emploi chez elle de tous ses capitaux, elle les envoie au dehors prendre part à des emprunts d’état ou à des entreprises industrielles, et, si elle n’a pas à l’instant même des retours équivalens, elle subit momentanément une perte sur le change.

Nous en étions là nous-mêmes avant la guerre de 1870. En consultant nos états de douane pendant les quinze dernières années de l’empire, on trouve que c’est à peine si les exportations ont balancé les importations. Il semblerait en résulter d’après la théories de la balance du commerce que notre profit a été nul, et que nous n’avons fait qu’échanger nos produits sans augmenter notre capital. Tout le monde sait pourtant que la France s’est beaucoup enrichie pendant cette période; elle était devenue, elle aussi, créancière de presque toute l’Europe. Les états obérés venaient lui emprunter de l’argent, et on trouvait sur son marché des capitaux pour toutes les entreprises industrielles du dehors. Nous avons bien prêté ainsi 4 ou 5 milliards, et cependant notre stock métallique n’a pas cessé de s’accroître; il s’est élevé de 1 milliard 837 millions dans les dix dernières années, d’après des états de douane. Le change nous a presque toujours été favorable, et il l’eût été beaucoup plus encore, si nous n’avions pas rendu, sous forme de prêt, les capitaux qui nous arrivaient de l’étranger à titre d’intérêt.

On peut voir en sens inverse des états qui exportent plus qu’ils n’importent et qui ne s’enrichissent pas en conséquence : ainsi la Russie, l’Autriche et l’Italie. Dans chacun de ces états, les exportations dépassent généralement les importations; malgré cela, ils ne peuvent pas avoir le change favorable, ni maintenir la valeur de leur papier-monnaie. Ce papier perd entre 10 et 20 pour 100. Cela tient à ce que le surplus des exportations est destiné à payer les intérêts des dettes qu’ils ont contractées au dehors. Ils ne reçoivent rien en échange. Le jour où ils auront racheté ces dettes, les exportations se rapprocheront plus des importations, et ils s’enrichiront davantage.

Enfin il y a des excédans d’exportation qui ont. pour cause des liquidations forcées. Une crise politique, financière ou autre, vient à éclater dans un pays : on ne peut plus rien vendre, les affaires sont suspendues ; cependant on a besoin de se créer des ressources. Alors on se résigne à un sacrifice, on écoule ses marchandises au dehors en les cédant à perte. De cette façon, les exportations peuvent dépasser les importations, la balance du commerce être favorable, sans que pourtant on s’enrichisse. Nous en avons fait l’expérience en 1848 après la révolution de février : dans les trois années qui ont