Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 106.djvu/14

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Forcées de se frayer une route à travers des terrains perméables, les eaux s’échappaient en sources au pied des collines et se réunissaient au fond de la vallée dans un gracieux ruisseau qu’elles avaient creusé, et qui, partant de l’endroit où s’ouvre aujourd’hui le boulevard des Filles-du-Calvaire, se dirigeait vers la Seine, qu’il atteignait au quai actuel de Billy, sur l’emplacement de la Manutention militaire. Lorsqu’on se mit à exploiter sérieusement les carrières à plâtre, l’eau ne fut plus contrariée dans sa marche verticale, elle glissa à travers les fissures du gypse et se perdit dans les profondeurs, où elle vint se mêler à la nappe souterraine de la Seine. Dès lors le ruisseau de Ménilmontant fut tari, et devint pendant des siècles « le grand égout de Paris. » Il fut ce que nous appellerions aujourd’hui un collecteur, car c’est vers lui qu’on essaya de diriger la pente des égouts que l’on creusait, tant bien que mal, pour débarrasser la ville des eaux croupissantes qui l’empoisonnaient. Sauvai cite les noms de ces cloaques : le trou Bernard, le trou Gaillard, le trou Punais ; c’est d’un seul mot nous dire ce qu’ils pouvaient être<ref> Antiquités de Paris, t. Ier, p. 253. </<ref>.

Le premier magistrat royal qui s’occupa intelligemment des égouts dans un intérêt d’assainissement fut Hugues Aubriot, que Charles Y avait appelé à la prévôté et à la capitainerie de Paris. La nouvelle enceinte dont on enveloppait la ville ayant englobé en partie la rigole fangeuse qui portait les eaux du quartier Montmartre au grand égout, Aubriot la fit voûter et revêtir de maçonnerie; c’est le premier égout couvert que nous ayons possédé. L’infection de ces « trous » était telle qu’en 1412 l’hôtel Saint-Paul, résidence du roi, était devenu inhabitable à cause des émanations d’un égout que l’on nommait le Pont-Perrin et qui, formant mare sur le terrain actuel de la place Birague, s’écoulait dans les fossés de la Bastille. On le détourna à travers la Culture-Sainte-Catherine et on le conduisit au ruisseau Ménilmontant, au-delà du fossé de circonvallation, qu’il franchissait dans un canal de pierre. C’était plus qu’on n’avait fait pour l’égout Montmartre, qui traversait le fossé dans une de ces auges de bois que l’on nomme techniquement une buse. — L’égout Sainte-Catherine devait avoir pour destinée d’être particulièrement désagréable aux demeures souveraines ; il empoisonnait le palais des Tournelles, qui s’élevait où nous voyons aujourd’hui la place Royale. Louis XII et François Ier, qui l’habitèrent, se plaignirent en vain d’un tel voisinage; le prévôt des marchands fit la sourde oreille, et le roi fut réduit, pour offrir à sa mère un logement moins insalubre que les Tournelles, à échanger sa terre