Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 106.djvu/12

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de canaux souterrains, disposés, agencés scientifiquement selon la configuration du sol sous lequel ils se ramifient. Ceux-ci l’emportent grand train, pour la verser, loin de Paris, dans la Seine, qui va la perdre à la mer. Ces canaux souterrains sont les égouts, complément indispensable des aqueducs et des conduites d’eau, qu’ils abritent souvent contre la paroi des voûtes.

Comme le corps humain, les cités populeuses ont leurs organes secrets, qui, pour être cachés, n’en sont pas moins indispensables à la vie. Celui-là est un des plus importans : il fait la police des choses matérielles et purge la ville de tous les élémens impurs; il combat la peste et chasse loin de nous les gaz délétères qui peuvent l’engendrer; il pourvoit à l’assainissement et entretient la salubrité. La longue canalisation circule sous nos rues, et vient jusque dans nos maisons recevoir nos eaux ménagères. Les égouts dont Paris a été doté depuis quinze ans sont les plus complets et les plus beaux qui existent au monde. On les montre avec un orgueil qui n’a rien d’excessif; bien des curieux les ont visités et ont pu constater par eux-mêmes qu’il est facile de les parcourir en bateau et même en wagon. Il n’en a pas toujours été ainsi; nous pourrons nous en convaincre en faisant un retour vers le passé.


I.

Un jour que j’étais à Rome, flânant par les rues, bayant au soleil, m’arrêtant pour voir passer les belles filles du Transtevère, dont les cheveux d’ébène sont épingles d’argent comme ceux de Proserpine, perdant mon temps à mille choses fort utiles, et


……….. Meditans nescio quid nugarum,


j’arrivai près de l’arc des Argentiers, et j’aperçus devant moi un grand trou sombre au fond duquel une flaque d’eau me regardait d’un œil aussi limpide que le cristal de roche le plus pur. La petite source était l’eau argentine, et le trou s’ouvrait dans la voûte effondrée de la Cloaca maxima. C’est là tout ce qui reste aujourd’hui des grands égouts de Rome. Ceux d’Auguste et de Nerva ont disparu; seul, il subsiste celui que construisirent les deux Tarquins pour drainer le Vélabre et assainir la ville. Ainsi, plus de cinq cents ans avant l’ère chrétienne, Rome avait compris la nécessité des canalisations souterraines, et les avait faites si solides que vingt-trois siècles ont passé sans pouvoir les détruire. Paris n’eut pas une telle fortune ; les rues dont la pente aboutissait à la Seine ou à la Bièvre y versaient leurs eaux; les autres étaient