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fer de ceinture traverse rétablissement et lui permet d’expédier directement ses produits dans toute la France, tandis qu’un embranchement spécial du chemin de fer du Nord lui apporte les charbons d’Angleterre et de Belgique. Dans l’ensemble de toutes ces industries, de toutes ces forces concourant au même but, il y a une grandeur imposante et pratique dont il est difficile de ne pas être frappé. Paris ne se doute guère de la somme d’efforts, du nombre d’hommes, de la quantité de trains de wagons, de la longueur des galeries de mine qu’il faut pour que chaque soir, lorsqu’il se promène sur ses boulevards, il puisse s’arrêter et lire son journal à la clarté d’un bec de gaz. — « Qu’est-ce que tu as le plus admiré à Paris ? » demandais-je à un Arabe d’Oumkaled-el-Moukalid que j’avais piloté. Il me répondit : « Les étoiles que vous mettez la nuit dans des lanternes ! »

Pour obtenir du gaz hydrogène carboné propre à la combustion et fournissant une belle lumière, il est indispensable de distiller la houille en vase clos. Après s’être procuré les charbons de terre dont elle a besoin, la compagnie fabrique les vases clos qui lui sont nécessaires : ce sont des cornues ; elles ne rappellent en rien les ballons de verre terminés par un tube horizontal qui portent ce nom et dont on fait usage dans les laboratoires de chimie. La cornue où doit brûler la houille est énorme ; si on y ouvrait une porte, elle servirait facilement de guérite à un soldat : debout elle mesure ordinairement 3 mètres de haut sur 64 centimètres de large ; elle a la forme d’un D majuscule retourné, dos plat et ventre légèrement rebondi. Comme on en use à peu près 3,000 par an dans les usines de la compagnie, on comprend que celle-ci les fasse elle-même : aussi a-t-elle installé à La Villette une briqueterie modèle. Des monceaux de terres argileuses, venues de Champagne, blanchâtres, et assez friables, sont amassés à portée des ateliers, où on les amène dans des brouettes. On les écrase à l’aide d’un broyeur mécanique ; deux lourdes roues de fonte, mues à la vapeur, tournent incessamment dans une auge et pulvérisent la glaise desséchée ; quand celle-ci est réduite en poussière, qu’elle a été tamisée au blutoir, on la jette dans la cuvette d’un malaxeur, après l’avoir mêlée à quelques débris de vieilles cornues cuites et recuites, mises hors de service par les feux d’enfer qui en ont brûlé les flancs. Le malaxeur est une roue verticale en fonte qui tourne dans une ornière où un soc ramène toujours les parties de terre que le mouvement centrifuge repousse sur les bords ; quelques gouttes d’eau ajoutées au mélange permettent de le rendre homogène, et, en le broyant sans repos, d’en faire un seul corps qui est « la pâte. » Il faut une heure un quart environ pour donner à l’argile et aux fragmens de cornues un degré convenable de trituration. Ce malaxeur, instrument fort