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qui borde la ville au nord, Lee voulut au moins le retarder. Repoussés par l’artillerie confédérée, les fédéraux, furieux de voir leurs pontons détruits, bombardèrent la ville. Les malheureux habitans durent se cacher dans leurs caves, ou fuir par centaines sous le feu du canon. Réduisant par ce terrible moyen les batteries confédérées au silence, Burnside put traverser la rivière, et le 12 décembre son armée entière, composée de 100,000 hommes, fut prête à livrer bataille. Lee, qui n’avait que 50,000 hommes (d’après les chiffres nordistes), occupait les hauteurs au sud de la ville. La première charge fut faite par le général Meade sur la division de Stonewall Jackson, et repoussée si brillamment que le général y perdit près de la moitié de ses hommes. Six autres charges plus désespérées les unes que les autres furent tentées par Burnside avec un courage extrême ; elles échouèrent contre les sommets hérissés de l’artillerie confédérée. Jamais les soldats ne s’étaient battus avec tant de valeur ; jamais ils n’avaient été repoussés avec tant de vigueur. Lee, suivant du regard ces formidables vagues humaines qui venaient se briser contre les formidables crêtes confédérées, se retourna plein d’émotion vers un de ses aides-de-camp en disant : « Il est bon que ces spectacles soient si terribles ; nous y prendrions trop goût ! » Burnside, dans son désespoir d’être vaincu, avait juré que les sommets seraient pris avant la nuit. Malgré l’héroïsme des assaillans, les sommets ne furent pas pris, et la nuit vit les fédéraux repoussés sur tous les points. Lee comptait sur une autre bataille le lendemain, mais les fédéraux avaient trop cruellement souffert : 12,000 des leurs avaient péri sur les hauteurs de Fredericksburg, et ils profitèrent d’une nuit de tempête pour retraverser le Rappahanock.

La campagne de 1862 était terminée, et l’armée confédérée entra pour tout de bon dans ses quartiers d’hiver sous Fredericksburg. Un seul incident signala la longue et froide saison qui suivit, et nous donne une idée de l’état impraticable des routes de Virginie après les pluies. Burnside voulut tenter de nouveau de traverser le Rappahanock, qui seul séparait son armée de celle de Lee, pour chasser celui-ci de ses positions ; mais il trouva que la boue était un ennemi plus invincible encore que les confédérés. Des efforts herculéens ne purent amener les poutres nécessaires à la construction des pontons. Les chevaux et les mulets s’embourbaient complètement ; on attela 150 hommes à chacun des madriers, toutes les tentatives furent inutiles. Hommes et planches restaient engagés dans la fange, tandis que les sentinelles ennemies postées de l’autre côté du fleuve leur criaient plaisamment : « Attendez ! nous viendrons vous aider demain à faire votre pont. » La nuit se passa pour ces malheureux embourbés dans un ouragan de pluie et de vent, et le len-