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que de faire de l’opposition ; pendant dix-neuf ans, sous l’empire, ils n’ont pas pu faire autre chose : il n’est pas étonnant que le pli leur en soit resté. Sans parler des chefs ambitieux qui spéculent sur le désordre et sur l’inquiétude qu’ils entretiennent, il y en a beaucoup qui font le mal sans mauvaise intention, comme ces personnages batailleurs qui courent partout ou il y a des coups à donner et à recevoir. Ces vétérans de l’opposition libérale ressemblent, ne leur en déplaise, à ces vieux chevaux de cavalerie qui ne peuvent voir passer un régiment sans courir se placer dans les rangs. Pourquoi ne pas l’avouer franchement ? les conservateurs libéraux ont leurs infirmités de caractère, leurs défauts naturels, tout comme les républicains radicaux. Il faut tâcher d’être indulgent pour les uns et pour les autres, quoiqu’ils soient souvent bien incommodes. Ne l’oublions pas, dans un pays qui a besoin d’être éclairé et pacifié comme le nôtre, l’indulgence est la première des vertus politiques.

Il y a pourtant cette fois une circonstance qui aggrave les torts de l’opposition dite conservatrice : on devine que nous voulons parler de la libération du territoire. Que dans un moment pareil l’assemblée, tout entière n’ait pas cru devoir imposer silence, au moins pendant quelques jours, à ses fureurs accoutumées, voilà qui est vraiment impardonnable. Que ce soit même au contraire, comme on n’a pas craint de le dire pour excuser l’assemblée, la libération du territoire qui ait mis la droite de mauvaise humeur et qui l’ait excitée à faire des folies, cela est véritablement monstrueux. C’est cependant, à ce qu’il paraît, la vérité même. Les monarchistes passionnés de la droite et du centre droit n’ont pu se résigner au désagrément d’avoir à se féliciter sans réserve d’un événement qui était un succès pour la France, mais qui était aussi un succès pour la république. Ils ont eu besoin de s’en venger d’une manière ou d’une autre, et ils ont saisi, pour exercer cette vengeance, toutes les occasions, bonnes ou mauvaises, qui se sont présentées.

La pétition du prince Napoléon se trouve sur leur chemin : vite ils la ramassent pour s’en faire une arme de guerre contre le gouvernement et pour se donner l’ineffable plaisir de remettre encore une fois son existence en question. Un membre de la gauche propose d’exprimer au président de la république la reconnaissance du pays pour la libération du territoire : vite l’opposition demande à mettre des réserves et des conditions à ces remercîmens. M. le président Grévy rappelle à l’ordre un interrupteur qui le mérite : vite la droite de l’assemblée s’insurge contre son président, méconnaît en lui l’autorité de la loi qu’elle a faite, l’outrage par les applaudissemens qu’elle accorde au coupable, par les murmures dont elle couvre ses justes remontrances, l’oblige à donner sa