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consent pas plus à une vente du domaine qu’à la levée de taxes nouvelles. Neuf fois il oppose aux obsessions de la cour et du roi un refus péremptoire. Son courage, sa fermeté, gagnent enfin les deux premiers ordres. D’abord pendant cette longue lutte, — elle a duré trois mois, — les ardeurs belliqueuses se sont refroidies peu à peu, et puis le clergé se souvient de 1560 : il songe qu’aujourd’hui encore il pourrait bien lui en coûter quelque grosse contribution plus ou moins volontaire. La même réflexion décide la noblesse. Bref, les trois ordres s’accordent dans un même refus, et lorsqu’au commencement de mars force est au roi, quoi qu’il en ait, de laisser enfin partir les députés, un maigre secours de 450,000 livres, promis par le clergé, est tout ce qu’ont obtenu tant de supplications, tant de promesses et tant de ruses.

Ainsi alliance de fanatisme religieux et d’indépendance politique, voilà en résumé le caractère distinctif des états de 1576. C’est aussi celui des états de 1588[1], avec cette différence toutefois, que ces deux sentimens si divers et souvent, dans leurs résultats, si contradictoires suivent de 1576 à 1588 la même progression qu’ils ont déjà suivie de 1560 à 1576. Comme leurs devanciers de 1576, les députés de 1588 sont ligueurs, comme eux ils abhorrent l’hérésie et sont prêts à tout pour l’anéantir. Comme eux encore, ils sont jaloux de leurs droits, de leur autorité, et sur le chapitre des finances particulièrement intraitables ; mais ils ont de plus qu’eux une sorte d’audace entreprenante et dans la première partie de la session tout au moins une prétention active à fonder la prédominance des états sur la royauté.

Ce n’était pas de son plein gré que Henri III avait appelé cette assemblée nouvelle. La journée des barricades, le triomphe de l’émeute, le désarroi de la royauté en face des exigences des Guises et des menaces de la ligue, avaient arraché au roi cette convocation. Peut-être aussi croyait-il entrevoir dans l’appel aux états, sinon une solution, du moins un ajournement à tant de difficultés et de périls : illusion vaine et en tout cas peu durable. Des députés du tiers, les cinq sixièmes étaient ligueurs, ceux du clergé l’étaient tous, ceux de la noblesse en très grande partie. Les présidens des trois ordres étaient, pour le clergé les cardinaux de Bourbon et de Guise, deux noms qui disent tout, — pour la noblesse le comte de Brissac et le baron de Magnac, deux âmes damnées des Lorrains, — pour le tiers enfin La Chapelle-Marteau, l’un des seize de Paris. Tant qu’il ne s’agissait que de renouveler l’édit d’union, de prêter serment à la ligue, de proclamer le roi de Navarre déchu

  1. Seconds états de Blois, 1588.