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oblitérées par les détritus végétaux, puis rompues par le poids de ceux-ci, et ne livreraient passage qu’à une eau devenue promptement putride et malsaine. En général toutes les mesures paraissent prises et bien combinées pour ne donner à la population qu’une eau réellement potable.

L’eau de l’Ourcq, après avoir franchi un court canal couvert, apparaît dans un bassin carré, fermé par des vannes et muni d’une lourde roue à amples palettes. C’est le compteur hydraulique ; nous n’en sommes plus à la jauge des Prés-Saint-Gervais. On a calculé qu’il faut que 11 mètres 200 litres d’eau passent sous la roue pour faire faire à celle-ci une révolution complète. On lève la vanne, l’eau suit sa pente. La roue est mise en mouvement, un bras de fer articulé emmanché au moyeu fait jaillir dans un tableau accroché à la muraille un numéro toutes les fois qu’un tour est révolu. En calculant le nombre de secondes et la quantité connue d’eau exigée pour un tour de roue, on obtient facilement la jauge de vingt-quatre heures. En sortant de l’établissement de La Villette, l’Ourcq se dirige par une conduite sous terre vers le faubourg Saint-Martin, et par l’aqueduc de ceinture sur les réservoirs de Monceau. Cet aqueduc n’apparaît jamais au-dessus du sol : il suit la rue de l’Aqueduc, la place Roubaix, l’avenue Trudaine, la rue de Laval, la rue de Douai ; là il remonte vers la place Clichy et gagne « l’épanouissement » par le boulevard des Batignolles. Lorsque l’on est rue Lafayette, sur ce pont qui domine le chemin de l’Est, on le voit très nettement passer au-dessus de la voie dans une forte cage de pierre appuyée sur des poutres de fer. Du point de départ au point d’arrivée, il mesure 4,238 mètres. Il faut y descendre par le regard de la Corderie, qui s’ouvre au fond d’une cour défendue par une grille.

Cet aqueduc n’est plus tel qu’il était au commencement du siècle. Girard l’avait construit en pierres meulières reliées à la chaux hydraulique ; de nos jours, l’ancien tracé a été abandonné, on l’a élargi sur les trois quarts du parcours, et on l’a revêtu d’un bel enduit inaltérable ; il a l’air d’être en stuc grisâtre. On peut s’y promener, et j’y ai fait une longue course. L’eau coule dans un petit canal qui est la cunette ; celle-ci est accostée par un trottoir qu’on nomme la banquette, et où l’on trouve assez de place pour mettre les pieds d’aplomb. On y va dans la nuit ; la lueur d’une lanterne ou d’un rat-de-cave brille sur l’humidité des voûtes et tire des reflets argentés de l’eau, qui glisse lentement sur le lit qu’on lui a préparé et qu’on appelle le radier. Le bruit des voitures qui passent au-dessus retentit lugubrement comme les roulemens d’un tonnerre lointain. C’est d’une propreté extrême : l’eau est nette, les murailles