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les travaux à ses frais ; il lui fallait de l’argent, il en chercha, mais avant qu’il en eût trouvé la révolution était survenue et avait mis tous ses projets à néant. A la veille du jour où le vieil état de choses allait s’écrouler, la compagnie des pompes à feu s’écroulait aussi et était obligée de céder son privilège à la ville de Paris par contrat du 14 avril 1788. Jusqu’à la fin du siècle, on ne tenta rien ; l’esprit était sollicité par des intérêts passionnes qui ne laissaient guère le loisir de s’occuper de questions de salubrité ; bien des projets furent présentés cependant, mais c’est à peine s’ils furent étudiés avant d’être repoussés. Les phrases ampoulées qu’on débitait à la tribune, les devises emphatiques que l’on inscrivait sur les murailles soutenaient peut-être l’élan de la population, mais ne lui donnaient point à boire, et Paris en était, sur presque tous les points, réduit à « la sangle » des porteurs d’eau qui allaient puiser l’eau en rivière. Le consulat, dès qu’il fut établi, s’occupa, avec un empressement où la politique eut sa bonne part, de pourvoir à tout ce qui était nécessaire à l’alimentation de la grande ville. La question fut reprise dans tous les détails, approfondie par des hommes compétens en dehors de toute ingérence des financiers ; les projets qui avaient été mis en avant furent étudiés, on entreprit des travaux topographiques sérieux, et l’on finit par s’arrêter à l’idée de dériver les rivières de la Beuvronne et de l’Ourcq pour les amener à Paris par une large tranchée à ciel ouvert qui serait à la fois aqueduc et canal de navigation. La prise d’eau devait être effectuée sur la lisière des départemens de l’Oise et de l’Aisne au bief du moulin de Mareuil, à 96 kilomètres de Paris. Le décret approbateur est du 20 floréal an X (19 mai 1802). Un second décret du 1er vendémiaire an XI (23 septembre 1802) prescrit l’ouverture des travaux, charge le préfet de la Seine de les administrer, et en confie l’exécution aux ingénieurs des ponts et chaussées. En 1809, le canal était terminé jusqu’à la Beuvronne, le bassin de La Villette était creusé ; 10,000 ou 12,000 mètres cubes d’eau potable étaient mis à la disposition des Parisiens[1]. Ils en profitèrent dans une mesure que des chiffres officiels nous permettent d’apprécier. En 1800, les abonnemens d’eau rapportaient à la ville une somme annuelle de 385 francs ; en 1805, il y a déjà un accroissement notable, le produit total a donné 4,666 francs ; en 1808, les conduites ont été branchées sur l’aqueduc qui fait pénétrer la Beuvronne. dans Paris, on perçoit 167,370 fr., l’usage se répand ; des fontaines marchandes sont construites, et l’encaisse « hydraulique » de l’Hôtel de Ville accuse 229,233 fr.

  1. Le projet ne reçut une complète réalisation qu’entre 1822 et 1830, lorsque les » canaux de l’Ourcq, de Saint-Denis et de Saint-Martin eurent été creusés.