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la Meuse, placée aux ordres du prince royal de Saxe, composée de la garde, du IVe corps prussien, du XIIe corps saxon, des 5e et 6e divisions de cavalerie, — l’autre, la IIIe armée, celle du prince royal de Prusse, comprenant le Ve corps, le VIe corps, qui tenait la tête, le ne corps bavarois, une division wurtembergeoise, les 2e et 4e divisions de cavalerie. Le Ier corps bavarois de von der Tann, laissé un instant à la garde des prisonniers français, devait rejoindre le mouvement presque aussitôt, et d’autres forces devaient suivre sans aucun retard, notamment le XIe corps. L’armée de la Meuse avait sa direction par Laon, qu’on enlevait au passage, par Soissons, qu’on ne pouvait prendre d’un coup de main et qu’on était réduit à investir, par Compiègne, pour arriver au nord de Paris par Beaumont et Pontoise. L’armée du prince de Prusse, à partir de Reims, se dirigeait par Épernay, Château-Thierry, suivant la Marne, pour arriver à la Seine par l’est de Paris.

Le 15 septembre, les Allemands étaient déjà fort avancés, ils dépassaient Meaux et Senlis. Le quartier-général du roi était le 14 à Château-Thierry, le 15, dans l’après-midi, à Meaux. Les deux armées avaient désormais pour mission arrêtée d’investir Paris, le prince de Prusse passant la Seine à Villeneuve-Saint-George, à Ris, à Juvisy, pour se replier sur Versailles, le prince de Saxe détendant au nord, de la Marne à la Seine au-dessous de Paris, passant le fleuve et jetant vers Chevreuse de la cavalerie qui, en se rejoignant à la IIIe armée, devait compléter le cercle dans lequel on prétendait nous enfermer. A partir du 16, tous ces mouvemens s’exécutaient ; l’approche des Allemands se faisait sentir à l’interruption successive des communications par le nord, par le chemin de Lyon. Dès le 17, les première coups de canon retentissaient entre la Marne et la Seine. C’était un engagement du général Vinoy, qui, de Neuilly où il avait campé d’abord, s’était transporté à Vincennes, et qui en s’avançant sur Créteil se heurtait contre les têtes de colonne de l’armée du prince de Prusse, déjà occupée à jeter un pont de bateaux au-dessus de Villeneuve-Saint-George.

On en était là : moment décisif pour le gouvernement qui avait pris la charge de défendre Paris et la France, pour le général qui attendait d’un cœur ferme, résolu, quoique sans illusions, pour cette population elle-même ébranlée à ce mot de guerre qui éclatait tout à coup : « l’ennemi est en vue ! « Il n’y avait plus de doute, la situation se précisait, elle se dévoilait tout entière dans sa netteté tragique par deux faits, l’un politique, l’autre militaire, qui s’accomplissaient à cette heure même simultanément : double et inutile effort pour arrêter les Prussiens, soit par la diplomatie, soit par les armes. Ces deux faits, c’étaient tout simplement le voyage de M. Jules Favre à Ferrières et le combat de Châtillon.