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même temps qu’à des intrigues et à des actes que réprouve l’honnêteté politique, mais elle resta pure de beaucoup de calomnies privées que la haine et la passion accumulèrent contre elle. Bien rare était, en ce temps-là celui qui demeurait dans la mesure de la modération et de la vérité.


III

Il nous reste à justifier par les faits accomplis les jugemens que nous venons de porter sur les personnes et sur les choses. La reprise d’armes des révoltés en Allemagne, et surtout la défaite de Bleichfeld, avaient profondément impressionné les esprits. La guerre, dont on était si fatigué, serait donc éternelle ? et la paix, dont on avait tant de soif, s’éloignerait donc toujours davantage ? Un seul homme, l’empereur, n’était-il pas l’obstacle à la pacification par son refus obstiné de se soumettre au saint-siège ? Et la mobilité des esprits favorisant cette pensée, on se montra disposé à se jeter aux pieds du pape avec la même facilité qu’on avait eue à se jeter aux pieds de l’empereur. Il s’établit qu’Henri était l’adversaire persistant d’une conciliation nécessaire, et, peu à peu la faveur publique l’abandonnant, il resta livré aux plus inexorables hostilités. On ne se croyait plus tenu à aucune loi humaine vis-à-vis d’un excommunié opiniâtre, et les plus abominables calomnies reprirent contre lui leur cours, un moment interrompu. Ekbert, violant la foi jurée, reparut à la tête des insurgés. Henri assiégea sa forteresse de Gleichen en Thuringe (1089), mais Ekbert fit diversion en attaquant Quedlinbourg, asile de la sœur et de la seconde épouse de l’empereur[1]. Henri livra bataille et fut encore malheureux, ayant à combattre un nouvel adversaire de sa maison, Lothaire de Supplinbourg, qui apparut alors sur la scène politique, et qui sera plus tard empereur. Le légat d’Urbain II en Allemagne était Gebhard de Zäringhen, évêque de Constance, ancien moine d’Hirsauge, frère du duc Berthold, actif instigateur de révolte et de troubles. Vainement la sœur d’Henri, abbesse de Quedlinbourg, celle même que d’odieux calomniateurs affirmaient avoir été outrageusement violée par son frère, assisté de plusieurs de ses amis[2], soutenait avec vaillance la cause impériale et terrassait l’agitateur Ekbert, qui succombait sous ses coups (1089), la révolte prenait de jour en jour plus de consistance, pendant qu’en Italie Urbain parvenait, avec l’aide des Normands, à expulser de Rome l’antipape Wibert, habile à

  1. Voyez Wahram, dans Freher-Struve, t. I,, p. 308 et 297.
  2. Voyez le moine Brunon, Hist. belli saxonici, dans la collect. de Freher-Struve, t. Ier, p. 177. Sur les effets terrifians de l’excommunication, il faut lire Langeron, Grégoire VII, p. 413.