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presque en même temps que Grégoire VII à Salerne. Roger, son frère, roi de Sicile, s’entendit parfaitement avec Urbain II, qui lui fit d’importantes concessions, entre autres celle d’être en Sicile légat perpétuel du saint-siège[1]. Grégoire VII avait flatté Guiscard d’être roi d’Italie ; c’était. la part promise aux Normands dans le partage des dépouilles d’Henri IV[2]. Le droit nouveau s’étant introduit en faveur de la papauté d’ôter aux rois leurs domaines par la voie de l’excommunication, la conséquence directe était le droit corrélatif de conférer les couronnes vacantes. En attendant la royauté d’Italie, les Normands s’assurèrent celle de Sicile et le duché de Naples, dont ils offrirent volontiers au saint-siège l’hommage féodal, qui ne les embarrassait guère, surtout quand ils eurent obtenu le cumul d’autorité religieuse et d’Autorité civile que leur garantissait le privilège de la légation perpétuelle. L’hommage féodal offrait même un notable avantage aux Normands. La Sicile, au temps de l’empire romain, était une province suburbicaire, c’est-à-dire soumise à l’autorité du préfet de Rome, chaîné d’assurer les approvisionnemens de la ville. De cette ancienne et bizarre circonscription territoriale, il était résulté qu’au temps où la hiérarchie administrative était devenue loi de l’église les évêques de Rome avaient été investis de la juridiction métropolitaine sur les évêques de Sicile, juridiction dont avaient hérité les patriarches de Constantinople lorsque la Sicile avait passé sous l’autorité des empereurs grecs. Roger trouvait donc son intérêt à rompre toute communication entre l’église de Sicile et celle de Constantinople. La suzeraine té féodale en était le moyen, puisqu’elle était l’équivalent d’un droit de supériorité consacré par l’histoire de la ville de Rome. Il fut donc établi que désormais les évêques élus de Sicile reviendraient chercher à Rome la consécration des mains du pape, en qualité de métropolitain[3]. Tels étaient les arrangemens qui, après bien des difficultés, avaient fait des Normands des alliés dévoués à la papauté. Le résultat de cette alliance était non point de mettre une troupe militante au service du saint-siège, si ce n’est dans des cas extrêmes, comme celui de la délivrance de Grégoire en 1084 ou de l’aventure tentée pour faire élire Victor III en 1086[4], mais d’assurer en tout temps une retraite et un asile au saint-père sans poser les

  1. Voyez Muratori, et l’Art de vérifier les dates, loc. cit., p. 808 et 807. — La bulle d’Urbain II a ému Baronius d’une sainte colère.
  2. Voyer tes Gesta Rob. Wiscordi, de Willelmus Appulus, dans Pertz, IX, p. 239. et suiv. Le chroniqueur atteste que tel était le bruit commun du temps. Ct. les Annales de "Romuald de Salerne, dont le témoignage impartial est à remarquer, dans Pertz, XIX, p. 407 et suiv., et Giesebrecht, loc. cit., p. 1040.
  3. Voyez l’Art de vérifier les dates, III, p. 807 et 812, et Muratori, Annal. d’Italia, sur l’an 1090.
  4. Voyez Hefele, Concilien-Geschichte, V, p. 169.