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des esprits, les chefs de la révolte, Hermann en tête, s’étaient réfugiés chez les Danois. Les évêques de Magdebourg et d’Halberstadt avaient été déposés et remplacés par des évêques wibertistes, Une tentative de reprise d’armes s’étant manifestée, elle avait été sur-le-champ et sévèrement comprimée. La diète de Mayence de 1086 avait été des plus satisfaisantes, et Henri semblait avoir obtenu la garantie d’une sécurité future, en même temps qu’il faisait éclater la majesté impériale par la création du royaume de Bohême, laquelle fut d’un grand effet moral[1].

Comment des succès tant inespérés furent-ils neutralisés, et comment les vieillards réfugiés, à Terracine ou à Capoue ont-ils pu relever les affaires si compromises de la papauté ? Enfin quels ont été les instrumens de cette réaction ? C’est ce que nous avons à rechercher. Remarquons d’abord qu’une certaine hésitation dans la transmission du pouvoir pontifical a favorisé les affaires de l’empereur Henri IV. Un grave dissentiment d’opinion ou d’ambition s’est élevé entre les successeurs indiqués par Grégoire VII. Le premier désigné était Didier, abbé du Mont-Cassin, issu de la puissante maison des comtes de Capoue, personnage de grande autorité, homme de foi vive, esprit cultivé, mais borné, infirme et irascible, au demeurant honnête et plein de scrupule, qui accueillit avec effroi la proposition de s’asseoir sur la chaire de saint Pierre, et qui opposa une résistance en apparence obstinée à des ouvertures dont le fond ne lui déplaisait pas. Or un autre successeur désigné par Grégoire, Hugues de Bourgogne, archevêque de Lyon, homme de beaucoup d’esprit, du grand monde et de non moins grande réputation, aurait voulu qu’on prît Didier au mot sur son refus, et il paraît bien que son avis à cet égard n’était pas complètement désintéressé. De là des retards, des tiraillemens, et dans le collège des cardinaux même des oppositions, dont il reste l’irrécusable et regrettable monument dans une longue lettre pleine de piquantes révélations conservée par Hugues de Flavigny, adressée à la comtesse Mathilde de Toscane, et surtout dans une sentence fulminée au concile de Bénévent, peu de temps après, par

  1. Voyez Mascov, p. 99 ; et Giesebrecht, t. III.