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maintenir aux Saxons la jouissance de leurs vieilles franchises et d’en respecter les privilèges séculaires. Le savant Hefele, dans son Histoire des conciles, nous a donné l’exacte analyse de ces deux synodes de Quedlinbourg et de Mayence, dont au siècle passé Schaten avait recueilli les décisions éparses, et qui au siècle même de Henri IV avaient été l’occasion pour le célèbre Waltram, évêque de Naumbourg, l’un des principaux défenseurs des droits de l’empire, de montrer son zèle et son savoir[1]. Une expédition de Henri dans la Saxe parut achever l’œuvre de pacification qu’avaient avancée encore la diète de Gerstungen et le synode thuringien de Bergstadt, où le droit d’excommunier les rois avait été refusé solennellement au pontife romain[2].


II

À ce moment, on put croire en Allemagne que le dernier mot restait à l’empereur Henri, et que l’insurrection était décidément terrassée. Chacun prit son parti en conséquence, et la cause grégorienne fut en complet désarroi. Un document contemporain, les Annales de Magdebourg, œuvre d’un moine du pays, nous retracent le tableau piquant et fidèle de l’état des esprits à cet instant. On croirait cette page écrite pour nos révolutions modernes, tant la misère humaine, qui est de tous les temps, s’y trouve peinte au naturel. « On pouvait voir, dit le chroniqueur, la face du pays complètement bouleversée. Ceux qui jadis se prononçaient exclusivement pour le siège apostolique contre l’empereur, ceux qui juraient naguère qu’ils ne communiqueraient jamais avec l’excommunié que par la grâce et l’entremise de l’excommunicateur, oubliant aujourd’hui et l’expulsion violente du saint-père et la disgrâce infligée à Hermann, l’homme de leur choix, adressaient sans pudeur et directement de fréquens messages à l’empereur, et, bien que ce dernier n’eût été consacré que par un évêque excommunié (Wibert), la foule était si hâtive à lui porter ses hommages que l’un craignait d’être devancé par l’autre dans ses empressemens, et, que l’on regardait comme se manquant à lui-même celui qui ne se mettait pas en mesure de coopérer à la restauration complète de l’empire franconien en Saxe. Enfin la Saxe entière semblait emportée par un sentiment étrange d’affection pour un excommunié qu’elle avait impétueusement expulsé avant qu’il fût frappé des foudres de l’eglise[3]. » Atterrés par cette révolution

  1. Voyez les Annales de Paderborn, de Schaten, 1774, 3 vol. in-fol. L’ouvrage de Waltram, De unitate ecciesiœ, auquel il est fait ici allusion, a été inséré dans la collection de Freher, t. Ier.
  2. Voyez le très curieux récit des Annales Magdeburgenses, dans Pertz, XVI, p. 176. Le discours de l’évêque d’Utrecht est très remarquable.
  3. Pertz, XVI, p. 177. — « Videres tunc temporis faciem Saxoniæ irrevocabiliter alteratam. Qui enim se antea pro solo apostoticæe sedis patrocinio Heinrico adversatos affirmaverant, qui se et nisi per suum excommunicatorem, papam scilicet Gregorium hujus nominis septimum, réconciliato nunquam communicaturos juraverant, jam obliti papam eumdem violenter expulsum, Hermannum regem inhumane destitutum, Heinrico per crebras legationes non solum communicant, verum etiam imperatorem, quamvis ab excommunicato consecratum, appellant, in captanda ejusdem benevolentia altero alterum préoccupante, et illum sibi ipsi defuturum judicante, quicumque Heinricum, jam Saxonia et integritate teutonici regni potiturum, sibi debitorent suæe restitutionis non faceret. Conspirans quippe omnis fere Saxonia, tanto excommunicatum reposcit affectu, quanto prius nondum excommunicatum expulit impetu. »