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sur les peuples[1] une vive impression. La balance penchait même évidemment en faveur de Henri. En effet, si nous considérons l’état général des choses, soit en Italie, soit en Allemagne, pendant les années 1085 et 1086, nous trouvons que la fortune de l’empereur a complètement changé de face, et que la grande œuvre de Grégoire VII est momentanément très compromise. Le destin a délivré Henri IV de ses plus terribles ennemis. Rodolphe de Rhinfeld, Otton de Nordheim, Grégoire VII, ont succombé déjà et l’anticésar Hermann est prêt à déposer sa vacillante couronne. En Italie, Henri tient les grégoriens refoulés dans les terres normandes de la Pouille et de la Calabre. Rome obéit à la loi impériale, et l’antipape Wibert y domine sans conteste ; les grégoriens n’osent en approcher, et l’élection d’un nouveau pape se fait attendre pendant un an. La grande-comtesse Mathilde, si dévouée à la cause de Grégoire, si active à la lutte contre Henri, est réduite pour l’heure à l’impuissance dans l’Italie centrale, et dans ses domaines de la Haute-Italie elle a peine à défendre ses forteresses.

En Allemagne, Henri avait pu, le siège de Mayence étant vacant, y placer une de ses créatures, et pour qui connaît l’immense étendue de cette métropole, qui comprenait la moitié de l’Allemagne au moyen âge[2], il sera facile d’apprécier l’importance de ce succès. En effet, le nouveau titulaire du siège de saint Boniface rendit à son prince de grands services dans les synodes ou assemblées dont, à l’exemple des papes, l’empereur multipliait la réunion en ce temps-là Au concile grégorien de Quedlinbourg, l’autorité vaniteuse du légat avait tellement amoindri la considération d’Hermann de Luxembourg que tout le monde avait senti la nécessité de relever le pouvoir civil trop abaissé. Au synode de Mayence, les choses avaient été mieux conduites au gré de Henri. Les adhérens de l’empereur avaient de nouveau proclamé l’indépendance des rois vis-à-vis la papauté, mis au ban de l’empire les princes révoltés et l’empereur Hermann lui-même, confirmé la déposition prononcée contre Grégoire dans les conciles précédens, reconnu l’autorité de Wibert ou Clément III, l’antipape, et proclamé la trêve de Dieu pour répondre au besoin général de calme et de repos qui se faisait sentir après de si désolantes agitations[3]. Enfin, pour satisfaire le vœu de conciliation qui se produisait de toutes parts, l’empereur jurait de

  1. « Anno dom. incarn. 1085, nativitatem dominicain egere Herimannus rex Goslariæ, Heinricus imperator Coloniæ, confluentibus ad ejus curiam plurimis, utpote novi domini cupidis. Similiter Gregorius papa Salerni, ejus supplantator Romæ natale Domini celebraverunt » Annaliste saxo, dans le Corpus d’Eccard, t. 1er, p. 564.
  2. Voyez les cartes géographiques jointes au grand ouvrage de Gfrörer.
  3. Ibi etiam communi consensu atque consilio constituta est pax Dei. Chronic. Ursperg. ad 1085 ; Mascov, p. 96, et Hefele, Concilien, t. V.