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l’empereur descend à des détails de journalisme qu’il serait scandaleux de reproduire ici. Dans son allégresse, il est tenté de profiter de ces chances heureuses pour s’assurer l’acquisition de la Belgique, M. Benedetti présumant qu’aucune difficulté ne s’élèverait là-dessus à Berlin ; d’ailleurs la Belgique est française… — Au même titre que l’Alsace est allemande, — répond M. Drouyn de Lhuys, dont l’avis finit par prévaloir. En compensation du péril que suscite à la sécurité de la France l’union de l’Allemagne sous le commandement militaire de la Prusse, on réclamera sans tarder à M. de Bismarck la reconstitution des limites tracées par le congrès de 1814 ainsi que le Luxembourg et Mayence. Nous ne pouvons manquer, bien entendu, d’assister à l’entrevue qui eut lieu à cet effet dans le vieux château de Nikolsburg, entre MM. de Bismarck et Benedetti. Écoutez la réponse du ministre allemand, faite d’une voix tremblante d’émotion. — J’aimerais mieux me retirer de la carrière politique que de céder jamais Mayence ! — Puis, ayant remis la discussion des autres points après conclusion de la paix avec l’Autriche : — L’Allemagne, dit-il à part lui, l’Allemagne ne paiera pas son unité, comme l’Italie, de sa propre chair et de son propre sang, du moins elle ne le fera pas tant que j’aurai quelque influence sur sa destinée. Qu’ils viennent sur le Rhin ! Moi, je ne recule pas… Ils croient tenir le jeu ; c’est moi qui mêlerai les cartes !

La guerre est terminée, l’annexion du Hanovre va se consommer malgré les prodiges de courage et de fidélité de ce malheureux pays ; le roi George, après avoir offert en vain d’abdiquer pour conserver la couronne à son fils, s’est résigné douloureusement à l’exil, et le roi Jean de Saxe envie son rôle lorsqu’il le compare au rôle humiliant qui lui est imposé. Selon la version de M. Samarow, voici comment notre ambassadeur explique à Napoléon le revirement de l’opinion publique en Allemagne : — La guerre contre l’Autriche n’était pas populaire à Berlin, et si elle s’était terminée malheureusement, des agitations sérieuses à l’intérieur seraient sans doute survenues ; mais je ne puis dissimuler à votre majesté que le succès a produit son effet. Le peuple prussien croit s’éveiller d’un long sommeil, la politique de M. de Bismarck se dessine désormais si clairement que non-seulement on approuve, mais on exalte la fermeté, l’énergie dont il fait preuve dans les choses militaires de même que dans les choses politiques. Le comte de Bismarck est l’homme le plus populaire en Prusse, et si ce prestige pouvait être augmenté, ce serait par une nouvelle guerre, entreprise afin d’éviter toute cession du territoire allemand. Quant à l’Allemagne vaincue, elle n’oserait, quoi qu’il arrivât, s’allier en ce moment avec la France contre la Prusse, D’ailleurs je dois