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et qui assurent sa durée. Dans le cours de sa longue existence, le christianisme a eu le temps de multiplier ses œuvres, — monumens, objets d’art, cérémonies, livres, doctrines, caractères individuels, — à un tel point qu’il n’est pas un état de l’âme humaine, aussi fugitive qu’en soit la nuance, qui n’ait son analogue dans quelque coin de l’église, en sorte que son empire par là s’étend non-seulement aux croyans, mais aux incroyans de toute secte et de tout plumage. Il n’y a guère d’incrédule par exemple qui n’ait au moins un favori dans les rangs du christianisme, c’est-à-dire une âme dont il comprend la destinée par similitude de nature ou par expérience individuelle : pour celui-ci, c’est saint François d’Assise, pour celui-là saint Vincent de Paul, pour un autre tel apôtre héroïque des âges barbares. Il n’en est guère non plus qui ne puisse retrouver à l’improviste telle phase morale de sa vie, tel sentiment éprouvé ou rêvé dans quelque lecture de légende ou quelque visite à un sanctuaire célèbre. Pour nous, il nous est arrivé bien des fois de retrouver sensibles et réalisées, dans telle ou telle église, jusqu’à des idées métaphoriques, et à des images exprimant les faits de l’ordre moral. C’est ainsi que le sombre vaisseau de cette église de Saint-Étienne de Nevers me parut tout à coup comme la représentation la plus sensible de la manière dont la vérité se communique à notre monde. Des fenêtres en très petit nombre laissent passer avec avarice une lumière insuffisante pour dissiper les ténèbres d’en bas, et qui semble manquer de force pour descendre jusqu’à elles. C’est justement de la même sorte que la vérité nous arrive. Elle tombe des sommets inaccessibles, s’affaiblit et se décolore pendant son long voyage, et lorsqu’elle touche les ténèbres de notre vallée, tout ce qu’elle peut faire, c’est de les transformer en un clair-obscur désespérant, qui ne sert qu’à nous montrer que nous habitons au sein de la nuit. Cependant, si nous levons les yeux, nous apercevons à travers les lucarnes de notre monde le soleil de la vérité qui brille dans les profondeurs de l’infini ; si sa possession nous est refusée, son existence nous est révélée ; nous savons qu’elle est, et cette certitude suffit pour raffermir nos courages et raviver nos espoirs.

Quoique la cathédrale dédiée à saint Cyr ait été fondée à une date assez rapprochée de celle de l’église de Saint-Étienne, elle ne remonte cependant pas, sous sa forme actuelle, au-delà du XIVe siècle. C’est un beau et étrange monument, dont la forme très originale est due aux reconstructions dont elle a été l’objet. Cette église est fermée à ses deux extrémités, en sorte que, n’ayant point de porche, on y pénètre par les ouvertures latérales. Sa forme est à peu près celle de ces vases allongés et profonds qu’on appelle lévrières