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ici d’ailleurs que se termine bien : décidément la France de l’est, et dès lors le Nivernais, ne doit-il pas suivre nécessairement les destinées de la région dont il fait partie ? Ce n’est toutefois que par intermittences que le Nivernais a été rattaché à la Bourgogne.

Un autre fait bien singulier et qui doit avoir influé nécessairement sur son histoire, c’est que de toutes nos provinces le Nivernais est peut-être celle où les intérêts féodaux ont fait le plus rapidement se succéder les maisons souveraines ; elles sont en nombre infini. Après la première maison féodale, — celle que nous avons vue en lutte pendant trois générations avec les abbés de Vézelay, — se présente la maison quasi royale de Courtenay, rapidement interrompue par le mariage d’Hervé, baron de Donzy, puis un instant la maison du Forez, puis les comtes flamands de la maison de Dampierre, puis les ducs de Bourgogne de la maison de Valois, puis la maison allemande de Clèves mêlée aux maisons d’Albret et de Bourbon, puis les Gonzague de Mantoue, qui livrent enfin à prix d’argent leur duché à Mazarin pour qu’il en constitue l’apanage des Mancini, ses neveux. La liste est longue, vous le voyez, je ne suis cependant pas très sûr de ne pas avoir oublié quelque rameau minuscule. Chose très importante à remarquer, à l’exception de la première maison féodale, celles de ces familles qui ont régné le plus longtemps sont d’origine étrangère ; les Dampierre sont flamands, les Clèves sont allemands, les Gonzague et les Mancini sont italiens. Pour les princes, ces dominateurs différens étaient mieux que des compatriotes, c’étaient des beaux-frères, des neveux, des petits-fils, à tout le moins des pairs ; pour le peuple, ils n’étaient que des étrangers intronisés par le hasard d’une succession ou d’un mariage. Quelle influence ce fait a-t-il exercée sur le peuple du Nivernais ? Il est difficile de la constater, mais il est de toute évidence qu’il doit en avoir exercé une. Pour nous, ce qui paraît à peu près certain, c’est que le peuple du Nivernais n’a jamais obéi avec entrain qu’à la première maison féodale, la seule qui pût passer pour vraiment indigène ; il nous semble apercevoir à cette époque, un accord d’action entre le peuple et les princes que nous ne retrouvons plus du tout aux périodes suivantes. Qui sait si ce n’est pas de cette circonstance que sont nés cet esprit exclusivement démocratique et ce complet oubli du passé qui distinguent plus particulièrement peut-être que toute autre la population du Nivernais ?

Il n’y a donc pas lieu de s’étonner qu’on rencontre en Nivernais si peu de traces de ses anciens maîtres. De toutes ces maisons souveraines, une seule, celle de Clèves-Gonzague, a laissé un souvenir. Le palais ducal de Nevers ; il est vrai que celui-là est