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mais on peut encore démontrer que cette hypothèse est dépourvue de vraisemblance. Les neuf îles qui composent le groupe des Açores sont assez éloignées les unes des autres pour qu’une éruption, quelque formidable qu’elle soit, n’étende guère ses effets au-delà de l’île qui en est spécialement le siège. A part San-Jorge et Pico, que l’on peut considérer comme relativement modernes, toutes les autres sont d’ailleurs d’origine très ancienne, et diverses observations tendent à montrer que la formation de leurs premières roches volcaniques remonte à la même période de la vie du globe. Il faudrait donc que dans sept des îles de l’archipel au moins il y ait eu des éruptions locales capables de tout détruire autour d’elles. Il est vrai que dans toutes il y a eu des explosions terribles, de puissantes projections de cendres et de ponces ; mais comment les mammifères qui vivent dans des terriers, comment les reptiles qui se cachent dans les intervalles des roches, comment les poissons et les mollusques qui habitent les lacs et les cours d’eau auraient-ils tous péri, alors que des mollusques terrestres à peau nue ou des végétaux délicats survivaient à de si épouvantables cataclysmes ? On comprendrait à la rigueur que de pareilles catastrophes se soient produites dans l’une des îles ; mais que toutes aient été successivement le théâtre de destructions pareilles, c’est ce que refuseront d’admettre tous ceux qui se livrent à l’étude des phénomènes volcaniques.

La seconde réponse faite par les partisans de la théorie de Forbes pour expliquer l’absence de certains groupes zoologiques aux Açores est plus spécieuse et plus compliquée. En voici le sens. Avant l’affaissement qui a plongé sous les eaux la moitié orientale de l’Atlantide, les montagnes dont les Açores représentent les points culminans s’élevaient de 5,000 ou 6,000 mètres au-dessus du niveau de la mer. Le rivage actuel des Açores était à une altitude d’au moins 4,500 mètres, et les sommités des îles (le pic de Varao de San-Miguel par exemple) se trouvaient à une altitude d’environ 6,000 mètres. La région montagneuse représentée aujourd’hui par l’archipel açorien devait donc être en grande partie, sinon complètement, recouverte toute l’année par la neige, et par conséquent elle était peu propre à servir de séjour à des êtres vivans. Il n’est donc pas étonnant que la faune et la flore y aient été très pauvres, et que des classes entières d’animaux y aient fait défaut. L’état présent de la végétation indigène des Açores et les particularités qu’y offre le règne animal sont la conséquence de cet état de choses antérieur.

À cette réponse, les adversaires de Forbes répliquent par le dilemme suivant : l’affaissement du sol, dont l’hypothèse fait le fondement de votre théorie, s’est opéré rapidement ou