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revanche, si l’on excepte le figuier et l’abricotier, la plupart de nos arbres et de nos arbrisseaux à fruits viennent mal sous ce climat trop doux et trop égal. On a maintes fois essayé sans succès d’acclimater les groseilliers ; ils demeurent improductifs et dépérissent. Les pommiers et les poiriers appartenant aux meilleures variétés ne donnent que des fruits chétifs et rabougris. Le cerisier, le prunier, ne végètent guère mieux[1]. Les fruits communs sont, outre la figue, l’orange et l’abricot, la banane, le limon, le citron, la nèfle du Japon et la grenade.

On commence aussi à cultiver avec succès, comme espèces fructifères, le goyavier, le jambosier, l’eugenia uniflora, le maracujo (passiflora edulis). Une culture qui pendant longtemps a été simplement un luxe, et qui maintenant tend à devenir l’objet d’un grand commerce, est celle de l’ananas. Aux Açores, l’ananas vit très bien en pleine terre ; mais pour acquérir un volume notable et la saveur excellente qui fait toute sa valeur, il doit être élevé sous des abris de verre. Dans plusieurs des grands jardins de Ponta-Delgada, on a construit dans ce dessein d’immenses galeries vitrées, et de simples agriculteurs, imitant l’exemple des grands propriétaires, bâtissent maintenant des serres dont la dépense de construction est, dit-on, couverte dès la première année par le produit des plantes qu’on y élève. Les registres de la douane de San-Miguel constatent que, dans le courant de l’année dernière, on a importé dans l’île 2,000 caisses de carreaux de verre destinés à cet usage. Les bateaux à vapeur qui opèrent le transport des oranges en Angleterre servent en même temps à l’exportation des ananas.

Le lin est la seule plante industrielle cultivée en grand aux Açores ; elle est pour le pays une source de bénéfices importans. Le coton mûrit bien et donne un duvet de bonne qualité ; malgré cela, on n’en a pas encore essayé la culture d’une manière suivie. Le cabellinho (dicksonia culcita), fougère très belle, commune dans les parties hautes de toutes les îles de l’archipel, fournit une matière soyeuse et dorée que l’on emploie pour rembourrer les matelas et les oreillers. Cette substance fine et moelleuse entoure la base de la plante au niveau du collet de la racine. En 1860, un bon matelas de cabellinho coûtait environ 6 francs. Cette fougère s’exportait autrefois en assez grande quantité en Portugal et au Brésil, mais elle commence à devenir rare.

  1. Une de nos plus belles plantes florifères, le lilas, ne résiste pas non plus au climat énervant des. Açores. On n’a pu arriver à lui faire produire quelques grappes de fleurs qu’en la cultivant dans l’une des parties les plus froides de San-Miguel.