Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 104.djvu/843

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

attendant que les jeunes sujets plantés dans leur voisinage entrassent à leur tour en rapport. » C’est à San-Miguel que la lagrima avait pris naissance : c’est aussi dans cette île qu’elle atteignit vers 1840 son maximum d’intensité. Des plantations entières furent anéanties, d’autres partiellement détruites ; on estime qu’un quart des orangers de l’île dut être abattu. Des arbres séculaires dont chacun était une richesse furent rongés par la pourriture ou tombèrent sous la cognée. En 1842, la maladie a commencé à décroître, et maintenant, sans avoir tout à fait disparu, elle a cessé d’être redoutable. En dehors des Açores, elle s’est propagée uniquement aux environs de Lisbonne, et ne paraît pas y avoir produit de grands désastres.

L’année même où la lagrima entrait en décroissance, un nouvel ennemi attaquait les orangers des Açores. L’aspidiotes conchiformis, hémiptère de la famille des coccinées, originaire du Brésil, apparaissait sur les orangers de Fayal, et ne tardait pas à s’y multiplier à l’infini. Les orangers des autres îles de l’archipel furent envahis à leur tour. Le développement des galles de l’insecte faisait promptement dépérir ces plantes ; les feuilles jaunissaient et séchaient, les fruits n’arrivaient pas à maturité. Un moment, on put craindre la destruction de toutes les plantations ; heureusement au bout de quelques années le fléau s’arrêta de lui-même. L’insecte, issu des chaudes régions du Brésil, ne put résister aux hivers des Açores, quelque modérés qu’ils fussent ; aujourd’hui il a presque entièrement disparu. Les pertes qu’il a causées sont bien moins importantes que celles qui sont dues à la lagrima.

D’autres plantes, aux Açores, ont été également dans ces derniers temps en proie aux maladies parasitaires. J’ai déjà parlé des ravages causés par l’oïdium Tuckeri sur les vignes de Pico, et signalé les causes particulières qui y ont rendu la maladie plus redoutable que partout ailleurs ; je ne reviendrai pas sur ce sujet. Aujourd’hui les propriétaires des Açores sont surtout préoccupés par l’invasion d’une nouvelle épidémie végétale qui ressemble à la lagrima, mais qui, au lieu d’affecter les orangers, s’étend spécialement sur les châtaigniers. L’enveloppe corticale de la racine et l’écorce de la partie inférieure du tronc se gonflent et se fendillent ; en dessous, on trouve une mince couche de moisissure qui s’étend rapidement jusqu’à l’extrémité des radicelles. La nutrition de l’arbre est arrêtée, les feuilles se flétrissent, tombent, l’écorce sèche et se détache. J’ai vu, près de la ville de Ribeira, un bois de châtaigniers dévasté par la maladie. C’était au milieu de l’été : tout alentour s’étalait une riante verdure ; à peu de distance, des plus et des eucalyptus déployaient une splendide végétation. Au milieu de