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La maison contient aujourd’hui 218 pensionnaires, dont 75 filles[1] ; elle est remarquablement tenue, d’une propreté qu’on rencontre rarement dans les lieux habités par des enfans, munie d’une infirmerie spacieuse dirigée par des sœurs augustines de Sainte-Marie, parfaitement disposée en tous ses aménagemens, quoique un peu petite, puisque le quartier des garçons ne pourrait contenir un élève de plus. Autant l’institution des sourds-muets est morne, autant celle des jeunes aveugles est vivante, active, occupée. Elle ne coûte pas cher ; son budget pour 1873 est de 186,000 francs, dont 30,000 francs de rentes, 6,000 francs de recettes diverses et une subvention de 150,000 francs allouée par l’état. C’est s’en tirer à bon compte, car elle produit des résultats fort importans et est un réel honneur pour notre pays. Les bienfaiteurs véritables des aveugles sont deux Français : Valentin Haüy, qui a réuni tous les systèmes épars en un seul corps de doctrine, et Louis Braille, qui les a dotés d’une merveilleuse écriture. L’institution suit l’impulsion donnée, elle perfectionne son programme et limite son action sur des points déterminés, étudiés avec soin et enseignés par l’expérience. Les facultés naturellement restreintes de l’aveugle étant données, elle les féconde et en tire le meilleur parti possible. Je ne vois guère qu’un mince desideratum à signaler, et il est bien facile, d’y porter remède : la bibliothèque est absolument insuffisante. C’est par la lecture surtout que l’on instruit ces enfans, ils aiment à entendre les récits d’aventures et de voyages ; il faut au moins que leurs professeurs aient sous la main de quoi satisfaire cette curiosité intelligente et saine. Le fonds donné par Neufchateau est encore la vraie richesse bibliographique de la maison ; les dictionnaires de Bayle, de Moréri, de Trévoux, la vieille Encyclopédie, n’ont plus grand’chose à nous apprendre aujourd’hui ; il faudrait rajeunir cette bouquinerie surannée. Le dépôt des livres au ministère de l’instruction publique ne pourrait-il pas faire quelque largesse au boulevard des Invalides ? Ne pourrait-on pas, ce qui vaudrait mieux, consacrer une somme spéciale à l’achat des ouvrages qui sont de nature à intéresser, à éclairer ces malheureux ? 500 francs par an suffiraient : c’est une bien faible somme ; le ministère de l’intérieur, d’où l’institution relève hiérarchiquement, ne la refusera certainement pas.

L’aveugle qui sort de cette excellente école n’est point abandonné ; on ne le jette pas sans défense aux hasards pénibles de la vie. Une société de placement, qui a ses racines dans l’institution même, veille sur lui et le protège, elle le guide. Elle n’intervient

  1. Sur ce nombre, il n’y a que 6 élèves payant intégralement la pension.