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fédéralistes ne se hâtent pas de l’accomplir de leurs propres mains, elle ne tardera pas à reparaître, revue et augmentée par ses premiers auteurs.

Assurément l’échec des conservateurs tient beaucoup à l’imperfection du système électoral et à l’oppression, plus choquante encore dans les pays fédératifs que dans les autres, des minorités par les majorités locales ; rien ne porte à croire que le plébiscite du 12 mai, s’il se renouvelait à cette heure, donnerait des résultats différens. Au contraire, dans les cantons acquis à la révision les suffrages donnés aux révisionistes ont sensiblement diminué ; au lieu de 193,000, on n’en compte plus que 160,000. D’autre part, des majorités assez faibles ont décidé d’un grand nombre d’élections : à Argovie par exemple, où l’on a compté 24,962 révisionistes contre 15,289 fédéralistes, ces derniers ne sont pourtant représentés que dans la proportion de 1 contre 9 ; à Soleure, ils sont 5,966 contre 9,610, et ils ne sont pas représentés du tout ; à Saint-Gall, c’est pis encore : la députation du canton compte 9 révisionistes et un seul conservateur, quand la majorité des révisionistes n’est que d’une trentaine de voix. Tout ceci prouve seulement qu’il y a une réforme à ajouter au projet de révision, celle de la loi électorale et il n’en est pas moins vrai que les révisionistes gagnent du terrain puisqu’ils n’en ont point perdu.

Grâce à leur petite majorité dans le conseil des états, les fédéralistes se trouvent encore en mesure d’arrêter le travail de la révision. Il ne faut pourtant pas qu’ils en abusent, car en repoussant tout arrangement ils ne feront, comme on dit familièrement, que reculer pour mieux sauter. Les vieilles institutions cantonales sont assurément très respectables et très précieuses ; elles ont été le berceau des libertés de la Suisse, en un temps où la vie des peuples libres se renfermait volontiers dans un étroit espace et gravitait tout entière autour du clocher d’une ville ou dans les frontières resserrées d’une vallée de montagnes ; mais aujourd’hui, en présence du grand développement de la civilisation moderne, elles sont insuffisantes pour les abriter. Les cantons sont pour la plupart trop petits pour se suffire à eux-mêmes, et c’est là ce qui rend la centralisation inévitable. Si les cantons étaient, comme dans la confédération américaine, de grands états peuplés comme des royaumes, et s’il y régnait cette uniformité politique et morale qui est le privilège des nations nouvelles, le maintien du régime fédératif dans toute sa pureté y serait beaucoup plus facile. Il n’en est malheureusement pas ainsi. Si les fédéralistes veulent éviter la complète destruction des cantons, s’ils ne veulent pas, suivant une de leurs expressions ; que « tout marche dans la confédération comme