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cantonales, suivant le système appliqué en Amérique aux amendemens constitutionnels. De cette façon, les cantons pourraient étudier sérieusement les lois qui leur seraient soumises, les discuter, les approfondir et se les approprier réellement, ou même, en cas de refus, formuler leurs objections d’une manière utile ; malgré tout, les cantons et leurs législatures resteraient des foyers de vie politique. Les droits cantonaux et populaires seraient encore mieux garantis, si l’on introduisait dans la constitution un mode de procédure qui permît aux cantons et au peuple de provoquer en cas de dissentiment la réélection des chambres fédérales. Ce serait là une sauvegarde plus efficace et d’un usage plus fréquent que le droit d’initiative. Les chambres fédérales auront rarement besoin d’être stimulées, elles auront plus souvent besoin d’être retenues, elles mettront plus de prudence dans leurs innovations centralisatrices quand elles se sentiront tous les jours exposées au blâme et au désaveu de leurs commettans.

Voilà l’espèce de référendum qu’il pourrait être utile d’établir. Quant à la forme actuelle, on devrait y renoncer, même pour les modifications apportées à la constitution fédérale. La double majorité du peuple et des cantons n’est même pas suffisante pour sanctionner des mesures aussi importantes que l’adoption d’une constitution nouvelle. Cette procédure expose le pays à se laisser surprendre sans réflexion par le vote d’une majorité minime ; elle oblige les partis à se livrer les uns aux autres de grandes batailles sans résultat, qui alarment les intérêts, ameutent les passions, et laissent parfois en suspens les questions qu’il s’agit de résoudre. Quand il faut qu’une nation se décide ainsi sur-le-champ, sans délai, sans prendre le temps de se renseigner, sans donner aux opinions le temps de mûrir, elle ne prend que des résolutions provisoires et la plupart du temps sans lendemain. La constitution des États-Unis est beaucoup plus sage lorsqu’elle exige que les amendemens constitutionnels, pour avoir force de loi, obtiennent d’abord dans le congrès la majorité des deux tiers, et qu’ensuite ils soient ratifiés par les trois quarts des états. Elle évite ainsi les dangers des solutions trop précipitées ; il n’y a que les réformes vraiment mûres qui puissent franchir avec succès toutes ces épreuves. Il se passe quelquefois des années entières avant qu’elles ne soient définitivement adoptées ; pendant ce temps, l’opinion se forme et les résistances s’atténuent. On n’a pas à craindre les mesures hâtives, acceptées par entraînement ou par intimidation, ou les rejets inconsidérés sur lesquels il faut aussitôt revenir. On s’épargne enfin là fatigue et le péril de ces grandes batailles plébiscitaires qui ne sont la plupart du temps qu’une duperie, même dans les pays